Contexte du projet
Dans l’idée de créer un ensemble scolaire cohérent et attractif, l’école Rosa Parks a été choisie par la ville de Saint-Étienne pour accueillir les classes des groupes scolaires Cotonne et Rosa Parks. Ce choix s’inscrit dans un projet de restructuration globale du quartier avec la création d’un pôle enfance en lien avec la crèche et le centre social voisins.
A l’issu de ce projet de regroupement, les effectifs du groupe scolaire auront beaucoup augmenté et les espaces extérieurs actuellement utilisés seront saturés. Par ailleurs, l’aménagement des espaces doit intégrer l’évolution des choix pédagogiques et le renforcement constant des contraintes de sécurité.
Dans ce contexte, les équipes des écoles élémentaire et maternelle soulignent la nécessité de faire évoluer les espaces existants et s’interrogent sur leurs usages et leur fonctionnement à la fois en tant qu’espace de récréation, espace d’accueil des familles et espace d’ouverture sur le quartier.
Afin de garantir,
- 1 - un dialogue constructif entre les services municipaux et les professionnels,
- 2 - la qualité des solutions,
- 3 - l’appropriation du projet par les usagers,
la Ville de Saint-Étienne a sollicité un designer spécialisé dans la maîtrise d’usage pour élaborer un projet en collaboration avec l’ensemble des parties prenantes.
Une méthodologie collaborative au service des usagers
Le projet présenté ci-dessous est issu d’une démarche de conception participative menée avec l’ensemble des parties prenantes concernées par le projet :
- enseignants et direction élémentaire et maternelle
- services de la ville : bâtiments, urbanisme, entretien, cadre de vie
- équipe d’urbanistes en charge du plan guide d’aménagement du quartier
- éducation nationale : inspecteurs, formateurs
- partenaires extérieurs : centre social
Cette démarche a pris la forme de trois ateliers collaboratifs organisés sur site entre mars et mai 2018 et dont le déroulement est illustré ci-après :
Atelier 1 : cartographie des usages
Les participants ont été invités à définir à la fois le cahier des charges (usages & usagers) des espaces extérieurs et le cadre spatial via plans et maquettes (nature des espaces, frontières intérieures et extérieures).
Atelier 2 : balade « augmentée »
Les participants ont parcouru les espaces envisagé des projets grâce à des photomontages et à des images de références. Ils ont ensuite défini collectivement les pistes de projet à développer.
Atelier 3 : Hiérarchisation des projets
Suite à la présentation de l’Avant Projet Sommaire et au rappel du cadre budgétaire, les participants ont été invités à hiérarchiser les projets proposés par l’équipe design afin de définir des priorités en matière de réalisation.
Ouvrir l’école à l’intérieur et vers l’extérieur
Afin de faciliter les échanges entre l’école et le quartier, les participants aux ateliers ont choisi de mutualiser certains espaces.
- Pendant les vacances scolaires, la cantine et les espaces extérieurs de l’école pourront être mis à disposition du centre social voisin dans le cadre du centre de loisirs.
- Plutôt que de dédier un espace à la pratique du football dans les espaces de récréation, les enseignants ont obtenu l’autorisation d’utiliser le stade voisin.
- Les enseignants ont réfléchi à la possibilité de laisser libre accès au futur espace de motricité afin que les enfants du quartier puissent utiliser cet espace hors des temps scolaires.
La même logique d’ouverture et de décloisonnement a été appliquée dans l’organisation des espaces extérieurs dans l’enceinte de l’école.
- Les enseignants de maternelle et de l’élémentaire ont choisi de repenser les frontières de leurs établissements afin d’aménager une entrée commune et un espace de motricité partagé par les élèves des deux écoles.
- Pour gagner en confort et en sérénité et afin de favoriser la circulation des corps, de la lumière et des regards, ont été priorisés l’élargissement des espaces de circulation et l’abattage des multiples frontières physiques (murets, haies, grillages, etc).
Créer avec l’existant
Partant du principe que la faible densité d’occupation d’un espace scolaire limite les comportements agressifs et favorise des relations apaisées entre les élèves, les participants ont unanimement souhaité valoriser des espaces secondaires jusqu’ici peu ou pas utilisés.
- Un large talus enherbé, jusqu’ici inutilisé, a été repensé en espace de motricité pour profiter de la pente naturelle du terrain.
- Un second talus aujourd’hui envahi de buissons sera transformé en gradin pour aménager à la fois un espace de rassemblement et une transition douce entre deux espaces.
- Un large espace enherbé aujourd’hui grillagé sera ouvert aux élèves et un système de chaussons mis en place pour parer à la problématique de l’entretien des sols souillés.
Afin à la fois d’intégrer pleinement le projet dans le cadre paysager et architectural et d’optimiser les ressources financières dédiées au projet, les participants se sont mis d’accord pour élaborer des propositions à la fois intelligentes et frugales en tenant compte des avantages des espaces existants.
- Des structures multi-usages ont été imaginées à partir de morceaux des troncs des arbres qui doivent être abattus sur le site.
- Des éléments en béton (poteaux, murets) seront laissés en place et transformés pour accueillir des assises.
- Les hauts thuyas d’une haie vieillissante seront étêtés, ébranchés et laissés en terre pour servir de supports à des ombrelles horizontales ajourées.
Des solutions non dédiées qui servent d’avantage
Une structure ou un tracé en forme de bateau impose un univers défini à l’enfant et conditionne son imaginaire. De la même manière, un banc étroit équipé d’un dossier n’invite à rien d’autre qu’à s’asseoir. A l’inverse, des formes abstraites et moins précises permettent d’une part de maximiser la qualité d’usage et d’autre part de favoriser l’imaginaire. Ce principe de solution non-dédiée convaincu les participants.
- En lieu et place des habituelles marelles et autres terrains de ballon prisonnier tracés au sol, de larges arcs de cercles de tailles et de couleurs différentes habilleront le bitume des cours : en fonction de leur âges, de leurs envies et de leurs humeurs, les élèves seront ainsi libre d’y voir des limites infranchissables, des lignes à suivre, des galaxies et une multitude d’autres choses.
- De même, les structures composées de morceaux de troncs d’arbres sont disposées dans l’espace et assemblées entre elles pour composer des formes géométriques simples et facilement appropriables par tous, invitant à des récits multiples.
- Contrairement à des prises d’escalade ou à un toboggan, les éléments composant le talus de motricité seront également constitués de tasseaux de bois de formes, de longueurs et de dispositions variables pour inviter les élèves à imaginer des exercices variés en fonction de leurs envies et de leurs capacités.
Un projet sur de bons rails
Les méthodes collaboratives proposées par le designer ont ainsi permis aux parties prenantes – enseignants, services de la Ville, Éducation Nationale et partenaires - de réfléchir ensemble et de mettre au point un projet à la fois réaliste et adapté à la fois au contexte et aux besoins des usagers. En témoigne les mots de François Thollot – directeur de l’école élémentaire : « Tous les collègues d’élémentaire se joignent à moi pour exprimer que nous avons vraiment apprécié travailler sur ce projet. La méthodologie comme vos propositions ont été plébiscitées et j’ai rarement vu des enseignants aussi actifs et mobilisés. »
La réalisation du projet est programmée par la Ville de Saint-Étienne au cours de l’année 2019.
Gaëtan Mazaloubeaud, designer spécialisé dans la maîtrise d’usage. www.designtoutterrain.fr