une salle d’arts plastiques

De l’importance du corps et de la posture des apprenants

Un témoignage de David Cohen, médiateur de ressources et services numérique à l’atelier Canopé 06 (Nice).

La conception d’une salle de classe « traditionnelle » (en « autobus », les élèves rangés deux par deux, les uns derrières les autres) a encore la peau dure. Dans une logique de transmission verticale (cour magistral descendant) cette disposition s’explique dans un contexte socio-historique donné.

Dans cette configuration pédagogique, l’élève n’est pas dans la mesure d’être actif ou mobile. Le mobilier scolaire lui même n’a pas évolué depuis des lustres : sa seule qualité reconnue étant d’être robuste. Le design scolaire s’est retrouvé longtemps cantonné à des données primaires : empilement des chaises et résistance aux manipulations et chocs multiples.

Le corps des élèves étant installé alors dans une posture fixée dans la courbure, l’attention et l’immobilisme.

De nombreux facteurs poussent, depuis plusieurs années, à faire évoluer la pédagogie (et par voie de conséquence la posture et le rôle des élèves) : les pédagogies dites « actives » placent l’élève dans un rôle plus dynamique, ce qui questionne de facto l’organisation des espaces-classes et du design scolaire. En effet, l’inadéquation de la structure physique disponible semble, de plus en plus souvent, poser problème : faire avec l’existant devient contre-productif (un mobilier peu ergonomique et peu confortable pensé pour un usage massifié et durable, élaboré sur une norme fixe).

Les activités étant désormais diverses et multiples, la salle de classe se doit de l’être aussi. La contrainte spatiale est forte : différencier plusieurs espaces séparés au sein d’une seule et même classe demande une gymnastique et des réaménagements journaliers épuisants. La question centrale (et commune à toutes les expérimentations questionnants ce domaine) reste l’adéquation des espaces et du mobilier à des pratiques pédagogiques qui changent radicalement la place et la posture des apprenants.

L’expérimentation Classelab en Arts plastiques (Académie de Nice)

Dans le cadre de l’expérimentation Classelab (repenser les espaces-classes en Arts plastiques, menée de 2015 à 2017 par Brice Sicart et moi-même, sous l’autorité de Josyane Rouch, IA-IPR Arts plastiques pour l’Académie de Nice), le questionnement fut double :

  • comment rendre la salle modulaire en fonction des pratiques engagées ?
  • Quel mobilier utiliser afin de faciliter la mobilité et d’accentuer le confort

En effet, comment permettre à chaque élève d’engager des pratiques plastiques diverses dans un espace rigide et avec un mobilier standard peu adapté ? Libérer un espace déterminé pour une installation, des prises de vues photographiques ou le tournage d’une vidéo, le tout sur une seule heure de cours hebdomadaire (gymnastique à reproduire donc au minimum 18 fois par semaine) est simplement infaisable sur un temps long.

Cette expérimentation s’est déroulée de 2015 à 2017, sur 3 établissements publics (le collège Pierre Bertone à Antibes et le collège André Capron à Cannes, et le lycée Simone Veil a Valbonne) et sur fonds propres (les dépenses variant de 500 à 1500€ par établissement).

Le curseur a rapidement pointé vers des solutions pratiques et peu onéreuses. Afin de permettre aux élèves d’adapter le mobilier aux pratiques pédagogiques engagées, et ainsi adapter la configuration de la classe, nous avons opté pour une solution simple : des tréteaux et des planches (de différentes tailles et colorées, pas trop épaisses pour qu’elles soient manipulées facilement même par des élèves de 6ème).

 Ainsi le premier choix opéré par les élèves est celui du support afin d’optimiser l’adaptation de son espace de production : dans l’enseignement des Arts plastiques, les dispositifs pédagogiques demandent aux élèves d’opérer des choix personnels (intentions, techniques, dispositif de présentations...).

 Ainsi, adapter au mieux son espace de travail est déjà opérer un choix, avec une intention pensée. Afin de faciliter aussi le travail collaboratif, des espaces plus cosy ont été mis à disposition : tables basses et poufs, permettant de travailler plus confortablement installé. Des coussins ont aussi été disposés sur les chaises : l’ensemble de ces choix ont impactés positivement le climat scolaire.

Lancés dans un expérimentation BYOD (ou AVAN : usages pédagogiques raisonnés des smartphones en classe) et équipés de plusieurs tablettes numériques, l’impact des équipements numériques sur la mobilité a été indéniable : l’utilisation pédagogiques de tablettes ou smartphones permettent de sortir de la configuration structurelle rigide d’une salle informatique traditionnelle.

BYOD

L’acronyme « Bring Your Own Device ». BYOD ou en français AVAN « Apportez Votre Appareil Numérique » est un nouvel usage né du monde de l’entreprise dans les années 2005.

En effet, et c’est la grande différence avec les pratiques informatiques, l’usage d’équipements mobiles nous oblige à nous adapter à des postures de travail nouvelles : assis confortablement pour collaborer, libérer rapidement les espaces du mobilier pour un tournage vidéo, rassembler plusieurs supports pour une production de grand format...

L’impact des neurosciences ne doit pas éluder la question centrale du corps des apprenants : en effet, la relation « intime » entre les deux doit être prise en compte. Permettre aux élèves d’adopter la posture corporelle la plus adéquate possible ne permet-elle pas de mettre les apprenants dans de meilleures conditions de production et de réflexion ? A cette fin, il parait donc primordial de repenser les espaces et d’utiliser un mobilier plus adapté aux diverses pratiques scolaires.

Permettre à chaque élève d’apprendre mieux, car mieux installé, est sans aucun doute un levier à la motivation : la prise en compte du confort des élèves est fondatrice d’une relation apaisée et d’une nette amélioration du climat scolaire. Il est donc possible de transformer sa salle de classe avec peu de moyens, qui plus est cela permet de faire gagner en autonomie, et en prise d’initiative les élèves.
Laisser le groupe classe organiser au mieux l’espace est aussi porteur de sens quant aux relations inter-élèves : cela crée un sentiment renforcé d’appartenance au groupe classe.

Références :