Immersion

L’enjeu de cette première phase est pour le designer de poser un regard neuf, volontairement naïf, sur le contexte du projet afin d’en analyser les tenants et aboutissants de la manière la plus neutre possible : il prend la forme d’un rapport d’étonnement qui sera ensuite présenté aux parties prenantes lors du premier atelier de travail.

1 – Éducation Nationale

À l’heure des nouvelles technologies, de l’accès généralisé à internet, des réseaux sociaux et du partage d’information, le rôle de l’école dans l’accès à la connaissance est posé.

Dans le cadre de ce projet, la volonté des représentants locaux de l’Éducation Nationale est de promouvoir le projet d’une école ouverte et collaborative :

  • L’enseignant fournit un cadre, des méthodes et des outils favorisant des formes d’apprentissage en autonomie : les élèves cherchent, expérimentent, réfléchissent ensemble, s’aident et s’enrichissent mutuellement.
  • Le rôle des espaces d’apprentissage dans ce projet est fondamental : des espaces ouverts où les élèves peuvent circuler, échanger, expérimenter, des aménagements et des mobiliers pratiques et modulables : des espaces vivants et agréables qui donnent envie d’apprendre. Là où une classe conventionnelle semble dire aux élèves « tenez-vous bien et écoutez », l’école ouverte doit les inciter à être libres, actifs et créatifs.

2 – Enseignants

L’importance du cadre de travail dans la mise en œuvre de ce projet est confirmée par les enseignants rencontrés sur le terrain. En effet, si ceux-ci soutiennent l’idée d’une école plus ouverte et collaborative, ils font au quotidien le constat que les espaces et les mobiliers scolaires n’y sont pas du tout adaptés : classes trop petites et encombrées, aménagement rigide (tableaux fixes), équipement limité (prises électriques), mobiliers lourds et encombrants, rangements inadaptés aux enfants, austérité des formes et matières, etc.

3 – Services de la Ville

Entre 1970 et 2010, à cause de la désindustrialisation, l’analyse démographique globale montrait que Saint-Étienne était une des deux seules grandes villes françaises en décroissance démographique, l’autre étant Roubaix. (sources : wikipédia)
Saint-Étienne n’est pas une ville riche. Et comme beaucoup de communes dans ce cas, ses budgets sont très limités et ses services fonctionnent à flux tendu avec des moyens et des effectifs de plus en plus réduits.

Côté éducation, si le dédoublement ne concernait qu’une dizaine de classes à la rentrée 2017, il en concernera entre 50 et 60 à la rentrée 2018 : il n’est donc pas étonnant que le premier critère fléché par la Ville dans le cadre de notre projet soit la frugalité et la duplicabilité. En effet, il s’agit bien d’imaginer, de tester et de concevoir des solutions simples et économiques qui puissent être facilement mises en œuvre par les services de la Ville ou sous-traitées pour un coût limité.

Par ailleurs, les services soulignent plusieurs points de vigilance :

  • Le fonctionnement des achats : tous les 3 ans, la Ville lance un appel d’offre à l’issue duquel elle établit un contrat avec le fournisseur d’équipements choisi. Dans le cadre de ce contrat, la commande est directe et le délai de fourniture raisonnable. En dehors, et seulement si le titulaire du marché n’a aucun produit répondant à la demande, la ville doit lancer un appel d’offre exceptionnel, occasionnant des délais importants.
  • Les normes appliqués aux équipements scolaires : d’une part, les mobiliers existants ne peuvent pas être altérés sous peine de rendre caduque leur certification ; d’autre part, les nouveaux mobiliers qui seraient amenés à être généralisés devront être solides, stables, résistants, lisses, impossibles à désassembler par les enfants, résistants à l’usure et ne pas être source de poussière.

Pour ces deux raisons, il est important que les tests pratiqués donnent lieu à une collaboration avec les fabricants et les fournisseurs afin d’adapter rapidement l’offre à la demande.

4 – Conclusion

Un fossé colossal sépare la vision idéale de l’école promue par l’éducation nationale et la réalité du terrain : les locaux sont anciens et les mobiliers inadaptés et la collectivité n’a ni les moyens d’équiper les écoles de mobilier neuf, ni le personnel à consacrer à ce travail.
Par ailleurs, ce manque récurrent de moyens et les problèmes de traitement des besoins ont un impact très négatif sur les relations entre les parties prenantes et instaure un climat d’incompréhension et de défiance généralisé : absence de communication, incompréhension réciproque, manque de reconnaissance, etc.

À St-Etienne, beaucoup de projets pilotes sont conduits au sein des écoles avec des designers afin d’incarner la vision d’une école ouverte et collaborative. Si ces projets ont un impact certain en matière de sensibilisation des parties prenantes et de communication pour les élus, rares sont ceux qui profitent à plus d’une école, voire d’une classe. Or, comme me le confiait un enseignant, « si ce projet ne sert pas aux autres écoles et aux autres enseignants, ça n’a pas de sens pour moi. »

L’objectif de ce projet sera donc de mettre au point des solutions facilement duplicables.

En conclusion, il s’agira donc d’optimiser le ratio moyens / impact des solutions :
  1. élaborer des scénarii collaboratifs ambitieux avec les enseignants
  2. identifier les « points de blocage » qui les empêchent de mettre en pratique ces scénarii
  3. imaginer et tester des solutions qui ouvrent le champ des possibles