les espaces d’un collège

La classe 6ème Oxygène au collège Jean XXIII

Un témoignage de Carole Bergossi, professeur au collège Jean XXIII de Montigny-les-Metz.

Constat

Nous sommes en avril 2017. L’année scolaire touche presque à sa fin et nous sommes devant une amère constatation : les élèves ne viennent pas à l’école avec plaisir ! Bien sûr, pour les élèves en difficultés, nous le savions. Ce n’est pas acceptable pour autant, mais ce n’est pas surprenant. Cette année, ce qui nous bouleverse, ce sont les témoignages de parents de "bons élèves", ces enfants qui participent en classe, sont souriants et entourés d’amis et qui, d’après les parents, pleurent tous les matins avant de venir à l’école.

La classe 6ème oxygène

La nouvelle est plutôt surprenante pour nous, enseignants, et la décision est prise très rapidement : il faut changer les choses.

Et c’est parti ! Nous rassemblons une équipe d’enseignants motivés, prêts à prendre des risques et à essayer de nouvelles choses. Nous passons des heures à chercher sur internet des témoignages, expériences menées dans d’autres classes. Nous visionnons des centaines de vidéos de pédagogues, psychologues et nous plongeons dans des montagnes de livres sur le sujet. La classe expérimentale de 6e Oxygène vient de naître.

Ce qui s’impose immédiatement à notre esprit c’est qu’une des conditions pour qu’un élève travaille, c’est qu’il se sente bien et pour cela, il doit être bien dans sa classe. Aussi, nous décidons d’aménager l’espace classe différemment.

Nous voilà début juillet, pleins d’enthousiasme à l’idée de ce nouveau projet. Il n’y a plus d’élèves dans l’école et nous en profitons pour commencer la transformation de la classe.
Nous démontons le tableau noir, découvrons au passage 30 ans de poussière de craie accumulée, sortons les estrades (avec un plaisir non dissimulé), enlevons le bureau, déplaçons les tables et réinventons l’espace de travail. Le nouveau mobilier, coloré, n’arrivera qu’à la rentrée, mais la vision de la classe doit être différente. Fini les 30 têtes tournées vers le capitaine et qui attendent avec plus ou moins d’impatience les ordres ! Les élèves sont disposés en îlots pour faciliter le travail en commun, le professeur est derrière, pour donner l’impulsion, motiver les troupes, rattraper les traînards, soutenir les plus fragiles...

Des casiers sont également installés pour permettre à chacun d’avoir son espace. Les chaises sont prévues pour que les enfants puissent se retourner facilement, sans avoir besoin de tout déménager, ou s’asseoir dans une autre position et une table haute est disposée afin de permettre à ceux qui le désirent de venir travailler debout.
Vivement la rentrée !

Puis arrive le mois de septembre, équipe motivée, élèves curieux et heureux de mener cette expérience. Et le retour à la réalité...

L’importance de la pédagogie

Nous avons choisi une pédagogie qui favorise le travail coopératif, développe l’autonomie et la confiance en soi. Avec l’aide du numérique et à travers les principes de la discipline positive, la bienveillance et l’encouragement doivent aider les enfants à se construire sur le plan personnel et social. Mais cela ne va pas sans mal. Les enseignants se retrouvent d’une certaine manière « en danger » dans une posture nouvelle et des expérimentations qui ne fonctionnent pas toujours. Certains d’ailleurs, font marche arrière car cela ne fonctionne pas tout de suite et qu’il est probablement plus confortable de revenir à une façon de faire qui nous semble plus familière. D’autres pourtant, continuent d’essayer, malgré les échecs et les difficultés.

Et une constatation s’impose à nous, il faut changer bien plus de choses que nous l’avions imaginé. Pourquoi les élèves n’arrivent-ils pas à travailler en groupes, est-ce vraiment parce qu’ils n’en ont pas l’habitude ou alors parce que le travail que l’on propose n’est pas adapté ? Arrivons nous à leur proposer des activités qui mettent en avant le besoin de coopération, l’utilisation des capacités de chacun ou alors proposons-nous des activités qui pourraient très bien se faire seul ? Peuvent-ils, à la fin de la séance, se dire : « je n’y serai pas arrivé tout seul, grâce aux compétences des autres, j’ai pu réaliser ce travail mais ils n’y seraient pas arrivés non plus sans mon aide dans un domaine précis » ?

Pour arriver à ce résultat, c’est un changement profond qui devra s’opérer.

Un premier bilan

Nous sommes en février 2019, c’est notre deuxième année d’expérimentation. Nous ne comptons plus les heures données « bénévolement » pour accompagner les élèves, co-animer la classe, se concerter et se soutenir. Bien sûr, nous avons eu des désillusions, des difficultés aussi bien du côté des enseignants, du côté des parents qui n’acceptent pas toujours cette façon de faire et aussi du côté des élèves qui sont parfois plus enclins à se faire pousser qu’à donner suffisamment d’énergie pour avancer eux-mêmes.

Il ne suffit pas de changer la place du mobilier, évidemment c’est toute la pédagogie qui doit changer et pour que cela fonctionne, celle-ci doit être adaptée à la nouvelle disposition. Bien sûr, la classe est parfois bruyante, pas autonome mais nous tendons à y remédier. Cela nous oblige à travailler beaucoup de compétences sociales et à envisager notre rôle vraiment différemment. C’est parfois stimulant ou désespérant aussi.

Une chose est sûre, impossible de revenir en arrière !

Et maintenant ?

Le bilan est positif, les élèves issus de la première année d’expérimentation sont bien intégrés dans leur nouvelle classe, nous avons des retours très encourageants des parents et d’autres collègues tentent également des choses dans leurs classes.
Cela n’a pas évolué aussi vite que nous l’avions espéré. Nous avons l’impression de grimper un sommet, avec un très lourd sac à dos, et nous n’en sommes qu’au début. Mais parfois, après de longs efforts et entre deux arbres, nous commençons à apercevoir ce que sera la vue imprenable qui s’offrira à nous quand nous y serons parvenus.