à l’école primaire

Lire, écrire, compter et respecter autrui en mode flexible dans une classe de CP dédoublés

Un entretien mené par Fabien Plé, Conseiller pédagogique départemental Éducation prioritaire avec Julie Lavigne, enseignante de CP de l’école Raymonde Fiolet et Valérie Olivier, enseignante de CP à l’école du Tour de Ville à Soissons (académie d’Amiens).

Les classes flexibles ont le vent en poupe et des aménagements divers font leur apparition en classe. Cette année, deux enseignantes de Soissons participent à une expérimentation. En effet, du mobilier a été mis à leur disposition, leurs élèves ont ainsi la chance d’évoluer dans ce tout nouvel environnement.

La rentrée s’est faite il y a quelques semaines, quels changements avez-vous constatés chez vos élèves ?

Valérie : Le climat est très serein. Il est également plus aisé de mettre en place des tutorats en classe, certains élèves peuvent s’isoler s’ils en éprouvent le besoin. Il y a moins de stress. Les changements de configuration sont facilités. On passe rapidement d’une installation en îlot à une disposition face au tableau pour une séance de copie, par exemple.

Julie : Les élèves qui ont envie de bouger le peuvent. Certains apprécient particulièrement les tables hautes sur lesquelles on travaille debout ou les ballons. Les tabourets sont également très appréciés des élèves. Ces changements d’assises leur permettent de se recentrer sur les tâches à effectuer. Ils sont ainsi davantage concentrés tout au long de la journée. Cependant, certaines assises ne peuvent être utilisées, notamment pour l’écriture. Il faut être vigilant.

Valérie : Cette mobilité du mobilier permet d’utiliser tous les murs de la classe pour les affichages ou pour différents travaux.

Je constate que d’une manière générale, dans les deux classes, tous les espaces ont été investis (même le couloir).

Vos élèves ont-ils été associés à ces changements ?

Valérie : Oui bien sûr. Ils ont été associés à la disposition et ils ont même dû faire des choix après en avoir discuté ensemble.

Julie : Les élèves se sont approprié les espaces. Ils proposent eux-mêmes des aménagements et il n’est pas rare de voir les espaces évoluer en fonction des activités et des besoins. Un élève, par exemple, aime particulièrement venir s’installer sur cette table face au TNI pour travailler. C’est sa proposition d’aménagement.

La municipalité est également associée à cette expérimentation. Quels retours avez-vous de la part des élus ?

Valérie : L’adjointe au maire en charge des affaires scolaires est venue voir les aménagements et semble convaincue de l’intérêt de mener ce genre de réflexion autour des espaces de classe. D’ailleurs, une classe de CE1 a été aménagée cette année avec un financement de la municipalité.

Et les parents ?

Valérie : Certains parents étaient un peu réticents à ce fonctionnement car ils voulaient que leur enfant dispose d’une place attitrée où il puisse ranger ses affaires. Après un mois de fonctionnement, et au regard du bien-être qu’expriment les élèves, la classe flexible n’est plus du tout remise en cause.

Julie : Des casiers individuels permettent aux enfants de ranger leurs cahiers, ardoise et trousse.

Lire, écrire, compter

Les enseignantes ont mis en place des plans de travail pour leurs élèves afin que ces derniers puissent réaliser les entraînements en autonomie. Valérie et Julie estiment que le principal changement dans leur enseignement se situe à ce niveau. Elles doivent créer elles-mêmes des exercices que les élèves réaliseront au cours de la semaine. Ces entraînements prennent en compte les réussites de chacun et la différenciation y est de mise.

Le numérique tient également une place importante. Sur les tablettes, les élèves allophones peuvent se remémorer le lexique abordé grâce à des enregistrements réalisés par l’enseignante.

Des ateliers de lecture de syllabes, de mots, de phrases sont proposés aux élèves sur tablette. Ces derniers peuvent ainsi s’enregistrer et autoévaluer la fluidité de leur lecture. Ces ateliers se déroulent dans le couloir pour ne pas déranger la classe et développer l’autonomie. Sofiane quitte justement cet atelier et est heureux de me faire la lecture de syllabes, mots et phrases qui contient le graphème OU.

L’utilisation de plans de travail permet également aux enseignantes d’accorder du temps aux élèves qui en ont besoin. Avant la récréation, Julie accompagne deux élèves en calcul en leur rappelant les stratégies efficaces tandis que le reste de la classe travaille de manière autonome à l’aide du TNI.

Les centres d’apprentissage sont également présents et participent à rendre plus explicite l’enseignement de la lecture.

Respecter autrui

Les enseignantes rappelaient, en début d’entretien, le climat serein qui règne dans leur classe. Cet état de fait est dû également à l’enseignement explicite des comportements que la classe flexible a rendu nécessaire. Pour faire cohabiter tout ce petit monde et que tous puissent profiter pleinement des avantages de ces aménagements, les enseignantes ont axé leur travail autour de règles de fonctionnement. Ces dernières ne sont pas seulement énoncées mais bien enseignées en respectant une démarche rigoureuse :

  1. Une description précise du comportement qui établit des attentes claires ;
  2. La justification de l’utilisation du comportement ;
  3. De fréquentes rétroactions ;
  4. Une évaluation.

En s’appuyant sur des valeurs communes et partagées, telles que la coopération, l’entraide ou le respect, cet enseignement produit des effets tout à fait intéressants et favorise le climat scolaire pour de meilleurs apprentissages. A moins que ce ne soient ces meilleurs apprentissages qui favorisent le climat scolaire ?
En tous les cas, la classe flexible a permis à ces deux enseignantes et leurs élèves d’entrer dans une spirale vertueuse de profond changement des pratiques de classe qui les conduira, à n’en pas douter, vers la réussite.