le témoignage d’une proviseure

Lycée : numérique, climat et environnement

Suite à son intervention au colloque EcriTech9, le 5 avril dernier, Jocelyne Girault, proviseure témoigne des actions menées autour de la question du numérique, des espaces et du bien-être au lycée Maurice Janetti (académie de Nice).

Les outils numériques nomades bouleversent les modes d’apprentissage en établissement, pour les adultes comme pour les élèves. Des formes nouvelles d’enseignement se dessinent, elles jouxtent la forme traditionnelle, « une salle, une classe face à un professeur et un tableau ». Si les salles informatiques traditionnelles sont toujours en usage, l’introduction des tablettes, des smartphones, des baladeurs et du wifi fait entrer la mobilité dans et hors la classe.

Hors temps de travail, vie professionnelle et vie personnelle se mêlent. Si les messages institutionnels sont plutôt adressés en journée entre 8h00 et 17h00, les messages des parents, des membres du personnel, de collègues, des élèves arrivent en flux continus ! Chacun opte pour un temps d’échange qui lui est propre, « les habitués d’avant 8h00 ou d’après 22h00, le club du samedi matin ou du dimanche soir, les navetteurs qui rentabilisent le temps du déplacement… »
Nous sommes entrés dans un univers connecté où l’on guette les panneaux « Wi-Fi » d’une part et les précieuses prises électriques d’autre part. L’immédiateté, voire l’impatience caractérisent échanges. Le départ différé pour l’envoi de messages à partir de 8h00 n’étant pas en service sur les messageries, (est-il réellement impossible de l’envisager ?), on observe alors un temps unique « perso-pro » : le travail, les échanges se font sur 24h00, 7 jours sur 7.

Le numérique et son impact sur la forme et le climat scolaire

En 2008, l’artiste Luke Jerram lançait « Play Me I’m Yours » dans plusieurs grandes villes du monde, ce que la SNCF a décliné dans les halls de gares en installant à son tour des pianos en libre accès. A la manière de Luke Jerram et de la SNCF, le piano est dans le hall avec le panneau "à vous de jouer" . Après quelques semaines d’écoute de pianistes confirmés, lycéens, membres du personnel ou visiteurs, des élèves ont installé leur téléphone portable ou une tablette à l’emplacement des partitions. Ils apprennent à jouer avec des méthodes en ligne, parfois une chaise s’ajoute et un élève s‘improvise professeur pour aider le débutant. L’envie d’apprendre est née du plaisir de l’écoute d’autres. Des élèves se perfectionnent, d’autres font leurs gammes en attendant le bus… Les virtuoses du lycée ont donc commencé à l’âge de 3 ans ou sont des autodidactes de l’année en cours… Dans le mot « polyvalent » il convient de lire aussi « salle de concert »…

A l’occasion des portes ouvertes du lycée, une élève de 1ère qui venait témoigner de son cursus auprès des futurs Secondes s’est présentée accompagnée de son frère collégien de 4ème. Il a joué pour lui comme pour les visiteurs … « plus sympa de travailler ici que chez moi ». Une attestation « d’animation musicale des portes ouvertes » lui a été remise pour son dossier Parcoursup de 2021 !!!…

Un professeur de génie thermique comme un lycéen de 2nde professionnelle ont stupéfait leur public. Ouf, la grâce n’est pas une exclusivité féminine et elle existe en voie professionnelle !!! Merveilleux ! Cliché, stéréotype, nous avons encore du travail à accomplir…

Il arrive parfois que des lycéens jouent des musiques de films, des conversations s’engagent alors autour du cinéma ; à l’occasion du festival du film hispanique Hispanoramaorganisé par l’équipe d’espagnol, les lycéens peuvent proposer une bande annonce via une plateforme de vidéos, ils ne sont pas forcément inscrits en enseignement d’exploration « cinéma » ou élèves en section européenne. Sans contrainte du cours inscrit à l’emploi du temps, les élèves découvrent un nouveau mode d’expression, se l’approprient, se perfectionnent ; parfois, ce sera utile pour une présentation à venir, c’est éventuellement le projet avenir qui prend forme. L’affiche du festival fait l’objet aussi d’un concours et d’un vote, nouvelle occasion d’échanges et de découverte du graphisme avec la venue d’un spécialiste… (Les parents sont invités à noter qu’il convient de repeindre la chambre en blanc aux vacances de printemps afin d’accueillir le cadeau qu’est l’affiche en grand format…)

Dans ce hall toujours, un professeur d’arts appliqué s’entraîne régulièrement au jonglage, passionné par les arts du cirque. Il n’hésite pas à prêter son matériel et à transmettre la technique.

Des panneaux permettent des expositions temporaires, et j’ai presque envie d’ajouter, qu’"accessoirement", un agent contrôle les entrées et organise l’accueil !

Impact sur le climat scolaire

Ce lieu banal au fond, souvent standardisé, est devenu un lieu d’expression artistique aux destinations multiples, il réunit des élèves de toutes les formations au côté des personnels au hasard des déplacements, alors nous avons rajouté 3 banquettes afin de s’assoir, écouter, regarder, lire, consulter son téléphone, discuter, attendre…Des fauteuils en réserve sortent parfois pour quelques jours puis repartent, on y laisse des livres de poche en espérant qu’ils disparaîtront…(ne pas oublier de prévenir les agents …oui oui, le but est bien que quelqu’un les prenne, pas de me les rapporter).

On peut donc apprendre dans un hall du lycée en ligne comme avec un pair, en favorisant le volet artistique et culturel du projet d’établissement… en créant des "instants de grâce"...

Le COOL LAB

Une prestation de type « café d’accueil – madeleines » a été achetée auprès du gérant de la cafeteria pour les exposants comme pour les visiteurs lors de la semaine de l’industrie connectée 2018. Une borne wifi a été installée dans la cafeteria privatisée partiellement pour l’occasion. Les lycéens ont transporté leur poste informatique depuis la salle de classe, ou ont apporté leur ordinateur portable. La cafeteria du lycée a été renommée « COOL L@B »faisant référence aux mots COnnected Objects et LABoratory. L’idée était de trouver un nom tel que FAB LAB, de marquer l’aspect « connecté » et « collaboratif » C’est ainsi que « COOL LAB » puis "COOL L@B" est né. Il a permis à des équipes de lycéens de S sciences de l’ingénieur, STI2D Systèmes d’Information et Numérique de présenter un projet connecté.

Le « COOL LAB » a accueilli des écoliers de CM2, collégiens, ingénieurs dont un avait accepté de ne parler qu’en anglais, représentants des parents, IA IPR, IEN, partenaires du lycée, membres du personnel. Chaque élève aurait sans doute pu atteindre un bon niveau pour préparer son oral dans un cours traditionnel, mais grâce au cool lab, il y avait une interactivité pour multiplier les prises de paroles !

  • les lycéens aux présentations balbutiantes à 8h00 ont progressé au fil de la matinée ;
  • les visiteurs ont fait des suggestions, ce qui étoffera des présentations le jour du bac ;
  • échanger avec des experts, ingénieur et inspecteur, s’est avéré un défi fructueux ;
  • parler anglais pour présenter le projet ne fait pas partie de l’épreuve pour le bac, mais les élèves l’ont fait avec un ingénieur d’une entreprise qui a bien voulu jouer ce rôle ! cette expérience servira lors d’un entretien où un interlocuteur changerait de langue, ce qui est courant pour le post bac ou pour un emploi ;
  • adapter son explication aux écoliers de CM2 dont la curiosité naturelle appelle une réponse obligatoirement claire était le défi du jour !!! Le CM2 est redoutable ! Les écoliers n’ont aucune inhibition et veulent comprendre ! L’écran devient alors le tableau pour des explications que les plus jeunes suivent attentivement, demandant d’ailleurs souvent à pratiquer à leur tour. La relation « lycéens-CM2 » est empreinte de respect, me risquerai-je à dire … « affectueux » ? accompagnée d’une pointe d’admiration pour les « savants » que sont les lycéens et d’une forte envie d’être à leur place dans quelques années. La posture des écoliers est intéressante à observer, ils ne sont pas "tassés" au fond d’une chaise, mais le corps est tendu vers l’avant, à la conquête de nouveaux savoirs.
Impact sur le climat scolaire

En associant les écoliers à des projets culturels, (visite de l’exposition d’artistes hispaniques au moment du festival, invitation dans le cadre du travail sur les stéréotypes) des actions de prévention, (gestes qui sauvent, journée de la fraternité, lutte contre le harcèlement) des cours de langues préparés par des élèves de section européenne, on gagne en qualité relationnelle entre jeunes dans une ville, on gagne aussi en « envie d’école – d’apprendre – de comprendre - de réussir »
La taille du lycée et l’ampleur du matériel mis à disposition des élèves émerveillent, les échanges avec les lycéens sont fructueux, ils suscitent l’ambition. Les écoliers accordent une égale importance à toutes les formations du lycée polyvalent ce qui ne laisse pas les lycéens insensibles. Les CM2 ont alors des rêves et le désir de les concrétiser, tous les parcours sont ouverts, la rencontre au sein du réseau est alors porteuse d’ambition.

Paroles de CM2 lors du cool lab

« j’ai vu un projet qui peut sauver des vies, je trouve que c’est important, c’est ce que j’aimerais faire plus tard, inventer pour sauver des vies », « le robot s’est arrêté à cause d’un pli sur la feuille, je leur ai dit de mieux se préparer pour le concours » (NDA, concours ITER Robot 2018) » « quand je viendrai au lycée, moi aussi j’apprendrai à faire une imprimante 3D, on peut faire des objets utiles », "on va demander à mettre des abeilles sur le toit de notre école et on surveillera les mesures" « je vais demander à ma mère si je peux apprendre le piano, je saurai jouer quand je viendrai ici" … et, lors du rassemblement dans la cour juste avant le départ, « est-ce qu’ici on peut jouer à chat sous le préau ?"

Au Cool L@b, les visiteurs votaient pour le projet le plus innovant, et le projet coup de cœur. Les CM2 ont opté pour deux projets au service d’autrui : la canne connectée développée avec une élève non voyante de 2nde afin de la rendre autonome dans le lycée, le casque connecté qui en cas de choc en moto, au ski, en vélo, alerte sur la force de l’impact, la localisation, et communique la carte santé de la victime.

Paroles de lycéens
  • Margaux, Terminale S SI qui aurait pu bénéficier d’un week-end de 4 jours du fait du bac blanc « J’aurais pu avoir un week-end de 4 jours, mais vivre ça, c’était quelque chose »
  • Gabriel, Terminale STI2D : "je n’ai pas d’épreuve ce matin, je passe mon oral d’anglais technologique à 14h00 - vous pourriez me donner un badge pour la matinée, je veux expliquer pourquoi on fabrique une imprimante 3D".

Le cool lab est l’esprit que l’on retrouve à l’occasion de forums, portes ouvertes, où le numérique permet aux écrans de devenir des tableaux pour des explications tout public. Le numérique facilite la communication et permet des présentations variées. Il convient de souligner que les élèves font de nombreuses recherches sur Internet hors la classe quant à la forme qu’ils retiendront pour la présentation. Face au public, sans le regard du professeur, les élèves expliquent, argumentent …. Ils se préparent en amont, (nul besoin de leur demander - parfois la famille sert de test) ils sont d’excellents ambassadeurs qui se montrent fiers de leur travail et de leurs études. La confiance en soi est accrue chez les élèves, quel que soit leur degré de réussite. Il est aussi important d’exprimer sa facilité que les difficultés rencontrées. Participer, agir, entraîne une estime de soi, un sentiment d’appartenance, favorisant le respect d’autrui comme des locaux, des éléments essentiels pour un climat scolaire paisible, propice au travail.

Tout est noble au travers des témoignages entre pairs, le geste professionnel industriel sur des plateaux dédiés, la mini entreprise des 3èmes, les laboratoires de sciences, le CDI, le cours de philosophie, la littérature, l’économie, le sport, la présentation des échanges eTwinning avec l’Allemagne, le club Japon, …

Nous valorisons l’engagement des élèves dans le livret du bac, en remettant des attestations pour les CV comme pour PARCOURSUP, et … en laissant le badge en souvenir, une demande des représentants du CVL, etc.

Le Wi-Fi, les matériels personnels connectés

Financement d’une borne mobile par la région PACA en 2014 afin de répondre à des besoins ponctuels pour des cours ou des réunions. Une demande de déploiement du wifi a été formulée auprès des services régionaux en 2017, la borne étant insuffisante au vu des besoins. Le coût de ce déploiement est en cours d’évaluation, lié à la configuration des locaux.

Le wifi permet le travail dans des lieux choisis par les élèves ou les adultes, ce qui favorise la concertation, les échanges, le travail collaboratif.

Salle des professeurs :

Lieu de vie, lieu de travail, elle comporte des espaces convivialité, 3 salles de travail équipées de la dernière génération des postes informatiques, une salle de reprographie, le wifi pour les enseignants qui souhaitent utiliser une tablette ou un smart phone. Elle est confortable, facilite les échanges et le travail hors la classe.

Les référents culture et numérique comme les professeurs documentalistes assurent une veille professionnelle, nous ajoutons aussi des informations, des liens, des articles, des cours en ligne sur le compte twitter du lycée, le site internet ou l’environnement numérique ATRIUM. Chaque année, les référents numériques organisent des formations à l’interne (usages du numérique pour servir la pédagogie). 4 sessions ont accueilli successivement une vingtaine de professeurs et CPE en janvier dernier. Elles complètent le temps dédié au numérique lors de l’accueil des nouveaux membres du personnel à la prérentrée et les formations du plan académique.

Passerelle du lycée 1er étage :

Les banquettes trois places sont souvent reconverties en bureau où deux élèves s’assoient à l’indienne en face à face, la place centrale étant celle du matériel personnel. Les tablettes permettent un travail collaboratif, des révisions… Sans enfreindre les règles d’évacuation de la sécurité incendie, elles ont été parfois remplacées par 2 tables en face à face permettant aux lycéens de s’installer plus confortablement dans un lieu habituellement réservé aux seules circulations, d’alterner travail et échanges, de profiter de la vue sur la cour ou sur la rue. La passerelle ne remplace pas la salle de permanence ou les salles de travail qui jouxtent le CDI. Les élèves en ayant fait un lieu dans lequel ils ont envie de travailler, nous avons accompagné la démarche. Les tables de type pique nique installées dans la cour favorisent convivialité et travaux en groupes.

Foyer internat :

Les lycéens ne sont plus adeptes de la télévision, du travail personnel dans des salles dédiées comme par le passé, reflet de l’évolution constatée aussi au domicile. Les promoteurs ne vantent plus les pièces "bureau" "télévision" comme par le passé. Les outils numériques sont utilisés dans des lieux classiques ou insolites. Le foyer de l’internat a toujours son grand écran et ses fauteuils, mais il a été reconverti en salle de travail avec des tables rondes pour du travail entre pairs librement choisi. On y observe des aides entre élèves, du travail collaboratif, travaux de recherche ou préparation des fiches de travail pour le bac, elles peuvent servir aussi pour des médiations. Les outils numériques personnels s’y déploient comme dans les chambres. Au lycée, la génération la plus ancienne des ordinateurs termine sa vie à l’internat dans les chambres des terminales ou des étudiants afin de faciliter le travail des élèves qui n’en sont pas dotés. Des postes sont par ailleurs à disposition dans les foyers de couloir.

En journée, le foyer de l’internat est la salle de repos des agents régionaux. La salle prévue pour eux dans la construction du lycée est trop petite, et … sans fenêtre… Le climat scolaire c’est partager des installations de qualité à égalité ! Les agents régionaux sont connectés aussi, comme les élèves… L’environnement numérique a pour eux un espace spécifique à côté de celui offert à tous. Les novices sont motivés pour apprendre, souvent guidés par le désir de partager les connaissances des enfants ou des petits enfants. Un binôme constitué d’une agent régionale et d’une secrétaire guide les premiers pas en complément des formations offertes par le plan régional de formation.

Laboratoires de sciences de l’ingénieur - BAC S SI, BAC STI2D :

Les deux salles comportent une partie informatique sur le pourtour de la salle, des tables sur le modèle traditionnel, elles sont séparées par un laboratoire professeur. Ce laboratoire initialement « professeurs » est devenu un lieu mixte qui accueille des professeurs comme des lycéens… On y échange sur les élèves comme à propos de nouveaux projets. Il n’est pas rare d’observer un professeur de mathématiques qui corrige des copies, les terminales qui conseillent les 1ères, un professeur de sciences physiques qui évalue un projet, un élève qui rattrape un cours… Parfois c’est dans la salle de classe qu’un élève va utiliser un poste informatique vacant avec accord de l’enseignant. La salle de permanence existe toujours, elle se complète par d’autres espaces dont la destination initiale évolue. Nul besoin de le redouter et d’y établir des règles, c’est un lieu de travail comme un autre où confiance et respect s’installent naturellement.

Inspiré de l’organisation en laboratoire des sciences de l’ingénieur, un nouvel agencement a été proposé en salle J110 : de très grande taille, elle comporte le pupitre du professeur, 36 tables et chaises, 2 tables rondes de 6 places chacune, un pourtour de postes informatiques. Cette salle a vocation à accueillir les classes à effectif les plus lourds, (36 élèves, ce qui est réellement trop élevé voire dramatique en classe de 2nde) les heures de TPE, les enseignements d’exploration, les plages horaires de 2h00 et plus. Le professeur dispose alors d’une très grande liberté en terme d’organisation.

  • Phase collective où 36 élèves peuvent prendre place face au tableau de façon confortable. Cette phase sert de « lancement » avant mouvement pour d’autres configurations, à la manière du travail sur les plateaux industriels
  • Recours aux postes informatiques, recherche, mise en forme, ...
  • Travaux collaboratifs sur les tables rondes, parfois avec les portables ou les smart phones des élèves
  • Professeur qui alterne le travail avec 1 ou plusieurs élèves pendant la séance
Impact sur le climat scolaire
  • La taille de la salle offre l’immense avantage de permettre une mobilité "pertinente" pour la créativité, la concentration, l’esprit critique, le climat de travail. L’utilisation est « paisible » les corps ne sont plus contraints sur une chaise dans un espace restreint encerclé par 4 voisins imposés, le mouvement y est naturel.
  • Ce sont des temps de travail fructueux, les échanges nombreux, la collaboration variée. Le numérique est au service de l’élève, de son travail. Le professeur comme un camarade pourra aider si besoin.
  • La règle est celle du travail en autonomie sans regard permanent de l’enseignant sur 36 paires d’yeux face à lui. L’élève (ou le professeur) consultera éventuellement son téléphone pour un message personnel, se dégourdira les jambes en gagnant une fenêtre avant de reprendre sa place. Dans l’hypothèse où un élève serait surpris sur son réseau social au lieu de son travail, le professeur interviendra comme on le faisait à une époque où des revues légères se dissimulaient dans les cahiers grands formats… objectivement, la transgression est rare tant ce type de cours a l’adhésion des élèves. Ils passent sans problème vers des règles plus contraintes dans le cours suivant où ils seront assis, téléphone éteint ou en mode avion selon demande de l’enseignant. La juxtaposition des deux types de cours, traditionnel et collaboratif, avec et sans le numérique, paraît bénéfique en terme d’équilibre pour les élèves.
  • Cette salle peut être utile au chef d’établissement afin d’aider des professeurs en difficulté avec la gestion des classes. Avec l’accord du professeur, un enseignant moins aguerri peut prendre place pour observer discrètement le mouvement des élèves dans la salle comme la façon dont l’enseignant en responsabilité organise le travail, capte l’attention, installe l’autonomie. Les salles de sciences avec TP sont utiles elles aussi, l’organisation des professeurs transférable. Ce dispositif complète les formations proposées par le plan académique, l’éventuelle convention d’accompagnement.

La salle dans laquelle on ne reste pas assis face à un tableau fonctionne aussi avec les plus jeunes élèves du lycée, la classe de 3PEP. Les heures de découverte professionnelle sont consacrées à la création d’une mini entreprise. 2 heures se déroulent dans une grande salle dotée de tables traditionnelles et de postes informatiques, la classe est accompagnée par deux professeurs maths-sciences et génie mécanique ainsi que 2 parrains qui interviennent sur rendez-vous, respectivement ingénieure process méthodes et directeur d’un centre commercial. Les élèves se déplacent, travaillent en groupe, utilisent le tableau, discutent, prennent des décisions, accueillent les visiteurs… si en début d’année, il faut accompagner plus fortement, recentrer les conversations lors de travaux de groupe, cela s’estompe progressivement. Nous ne constatons pas de difficulté, d’indiscipline dès que ce type de travail s’arrête pour changer de salle et continuer selon le format traditionnel. Une enveloppe d’heures permet d’organiser des séances de travail hors emploi du temps, dans ou hors lycée, en complément de la plage horaire « fixe ». Les élèves ne les manquent jamais. La mini entreprise suscite l’adhésion des élèves, et le développement de compétences multiples. La « forme » de travail crée l’apaisement, la mini entreprise est le fil conducteur qui contribue à donner du sens à la présence au lycée, au travail en classe et à la préparation du parcours avenir.

Le mobilier

24 chaises élèves mobiles et 1 chaise professeur Achat sur fonds propres (25 000€ à confirmer, les négociations sont en cours - économies volontaires sur le budget 2017 pour achat en 2018 en profitant des tarifs accordés à la collectivité territoriale) Cours de langues. Nous n’irons pas au-delà d’une salle afin de disposer de tout le confort nécessaire pour les épreuves du baccalauréat.

Pouvoir recomposer les groupes au gré des besoins sans manutention de mobilier, sans bruit pour les salles voisines est une demande forte de la plupart des professeurs de langues du lycée. Plusieurs professeurs l’utiliseront par demi journée en privilégiant les cours d’euro et du bac L, en ayant recours à la balado diffusion et aux outils numériques personnels.

Climat scolaire :
  • Ce mobilier emporte l’adhésion des agents régionaux, la manutention sera aisée, l’entretien de la salle sera facilitée.
  • Il offrira l’avantage de libérer de l’espace dans la salle, de ne pas renvoyer de sentiment oppressant, voire d’étouffement. L’objectif n’est pas d’augmenter le nombre de places, elle restera une taille de groupe.
  • Le mobilier responsabilise, est ambitieux, c’est celui que les lycéens trouveront dans leur vie professionnelle. Nous préparerons les élèves à ce nouveau mobilier via l’information faite aux membres du CVL, assemblée des délégués… pour diffusion dans les classes. Ils doivent avoir conscience du prix, de l’avantage qu’il représente pour le nettoyage de la salle et de la facilité respectueuse qui devra être la leur.

Les élèves à besoin éducatifs particuliers

Le numérique est un facilitateur pour laisser place à l’écoute et retrouver la trace écrite en fin de journée ou pour « nourrir » un élève. Prendre une photo du tableau, faire une capture d’écran, envoyer un devoir en PDF, réceptionner le cours de l’enseignant, accéder à des ressources en ligne… les facilités sont importantes, de nature à rassurer et aider chacun à trouver sa place.

Certains de ces élèves reçoivent du matériel informatique, il conviendrait de prévoir leur accompagnement dans son utilisation, ce qui est un point faible actuellement. L’aisance est très variable à l’entrée au lycée, son absence peut créer un handicap supplémentaire. Il est illusoire de penser que l’élève va travailler seul à la maison.

Les professeurs doivent être mieux préparés et mieux informés afin de lever les inquiétudes : ils doutent parfois de leur geste professionnel, redoutent de ne pas réussir à aider l’élève comme la classe.

Les cours, les recherches en ligne :

Des élèves ont de tout temps librement approfondi des points de cours, rejoignant ou dépassant parfois le niveau d’expertise de leur enseignant. Internet a favorisé les recherches individuelles, et a donc augmenté le nombre d’élèves qui travaille seul ou en interactivité avec des tiers. Invariablement, l’élève revient vers son enseignant, il doit alors trouver les réponses attendues. C’est un point qu’il ne faut pas négliger. L’expertise des professeurs à leur recrutement doit être élevée, leur formation continue régulière ; à l’heure d’internet, leur crédibilité est en jeu.

A la manière de la vie de famille où les espaces et le temps ne sont plus cloisonnés "travail personnel/télévision/musique/lecture/repas/sommeil", l’école voit tous ses espaces connectés.

  • les traditionnels - gymnase, salles standards ou spécialisées - accueillent les élèves selon un emploi du temps ;
  • les passerelles, les halls d’accueils, les cafeterias, les foyers, les tables pique-nique dans la cour, servent toujours aux conversations/devoirs/révisions/discussions, hors la classe, mais avec les outils nomades ;
  • les CDI sont à la croisée des emplois du temps et du temps libre, lieu mixte pour lequel nous attendons le wifi, il n’y aura en effet jamais suffisamment de postes informatiques pour répondre aux besoins. L’accompagnement des professeures documentalistes est apprécié, le livre et la lecture ne sont pas dédaignés, les postes informatiques utilisés, les lycéens tirent profit du travail en amont en collège et profitent du lieu. Là aussi, les élèves apprécient les ressources humaines comme les ressources numériques.

Les élèves développent des modalités de travail à leur façon. Je n’ai pas imaginé qu’en installant le piano dans le hall des élèves chercheraient des méthodes en ligne pour apprendre par exemple… Si l’on redoute parfois que le numérique isole, il peut aussi réunir des communautés de tous âges qui partagent des informations ou apprennent ensemble.

Le conseil de la vie lycéenne a un rôle d’accompagnement. Les actions qu’il organise et relaie via les réseaux sociaux, les affichages, contribuent à la qualité du climat scolaire. Ces élus sont associés aux actions de prévention et de formation, leur bureau est aussi un lieu d’accueil pour les victimes de cyber-harcèlement.

Le lycée Maurice Janetti se veut lycée « d’éducation et de cultures », il se veut aussi lycée connecté. Pour ce faire, nous avons modifié le règlement intérieur afin qu’il autorise des outils personnels selon le choix l’enseignant. Téléphone qui devient calculette en mode avion, introduction de tablettes, ordinateurs portables, baladeurs pour des enregistrements en cours de langues… En lycée polyvalent, tous les milieux sociaux se croisent, nous sommes attentifs à la formulation en direction des élèves et veillons au matériel mis à disposition, plus important sur la SEP.

L’usage des parties communes évolue, proviseure et adjoint gestionnaire doivent observer les attitudes des élèves ou des adultes, les usages afin d’installer le mobilier adéquat. Les agents comme les assistants d’éducation sont de précieux relais. On renforce les assises ici, on déplace les fauteuils là, on veille à la qualité des installations « fixes » en lien avec l’ingénieure réseau et l’on échange avec les représentants de la région PACA afin que nos besoins/projets soient pris en compte au mieux en conformité avec les budgets alloués.

A cet élève qui m’a dit un jour qu’il abandonnait l’école parce que,

« l’école c’est fait pour les poètes qui aiment rester assis en regardant un tableau »,

je peux dire aujourd’hui que

"l’école est faite pour les poètes connectés qui aiment rester assis ou debout, qui aiment regarder le professeur, les élèves de la classe, le tableau, les écrans, leurs livres, qui apprécient de chercher, échanger, partager, apprendre dans et hors la classe. Oui, en complément des cours traditionnels, il existe des heures où on peut se lever, regarder par la fenêtre, lire un texto, se déplacer dans la salle, échanger, reprendre le travail et au final décrocher une mention."

Conclusion

Les photos me paraissent inutiles, le lycée n’est pas un modèle, mais un lieu que l’on fait évoluer au fil de nos besoins à partir de son architecture d’origine. Ailleurs sera forcément différent.
Daniel FANZUTTI, a tracé les plans de 12 bâtiments reliés entre eux par des circulations à la manière d’une ville sur 35 000m2. Les bâtiments sont d’une sobriété extrême, l’architecte voulait laisser la plus grande place aux relations humaines, à la transmission des savoirs, à l’accrochage de la couleur grâce aux travaux d’élèves sur des façades blanches ou en béton.

Une communauté de 1800 élèves et 230 adultes y travaille, mais pas seulement. Je revendique le fait que l’on y vit, et pas uniquement du fait de l’internat et du restaurant scolaire ; nous partageons des locaux dans lesquels je souhaite que l’on s’arrête plutôt que passer en coup de vent…
En choisissant de faire du lycée un lieu de vie, c’est un lieu dans lequel chacun peut trouver des motifs de satisfaction et apporter son tour une contribution à la qualité du climat scolaire.

Nous avons travaillé une qualité d’accueil et de restauration, (nous avons un restaurant que nous voulons étoilé, pas une cantine, 2 bars à crudités et bain marie pour les légumes en accès libre, nous avons 3 qualités de pain pour les 3 repas, on peut se resservir à condition de rendre des plateaux vides, le tri sélectif se fait en amont de la plonge…). Nous anticipons en voulant être une terre d’accueil ambitieuse pour le travail en réseau avec le 1er degré et les collèges, nous nous revendiquons lycée « d’éducation et de cultures », lieu d’étude, de travail, de temps artistiques et culturels, sportifs.

Pour que personnels et élèves du réseau comme de l’établissement aient envie de marquer un arrêt, de s’investir, il faut accorder de l’importance aux lettres É, A et C, comme Éducation, Art, Culture.

Le conseil pédagogique accompagne des actions culturelles transversales essentielles au vivre ensemble ; (nous finançons 700 places pour le festival hispanique, Parole de CAP : "je ne savais pas que je pouvais voir un film en VO sous titré"). Le lycée accueille aussi une douzaine d’œuvres monumentales à la manière d’un musée et comme l’architecte l’avait souhaité (capsule temporelle scellée pour 30 ans, cadran solaire géant, sténopé géant, série d’agrandissements scientifiques sur plexiglas avec commentaires artistiques des 2ndes professionnelles, commentaires scientifiques des STL et BTS, bâche d’extérieur avec graff sur l’égalité, portraits géants de femmes extraordinairement ordinaires à la manière de l’artiste JR, exposition permanente du club photo, éco chalet mobile pour des mesures scientifiques, arbre à rêves, ...).

Nos oeuvres monumentales ont été financées par les appels à fonds libres de la Chambre de Commerce et d’Industrie du Var, la région PACA, projets CVLA et INES, des fonds européens ERASMUS +, le mécénat des entreprises ; bien évidemment, elles ont pour origine des projets de professeurs, d’équipes, de la vie scolaire.

Le numérique, les nouvelles formes scolaires s’accompagnent d’une grande vigilance quant aux travers maléfiques qu’ils peuvent faire naître. Du téléphone qui sonne en classe en passant par le plagiat, l’enregistrement d’un tiers à son insu, le cyber harcèlement, il convient de se former, d’informer et de définir des règles.

L’éducation, numérique ou pas, doit être le fait de toutes les équipes, tous les personnels en lien avec les parents.

Le CESC inter-degrés est un élément fort de notre travail au sein du réseau. Il permet des actions de prévention/information sur le harcèlement, notamment le cyber harcèlement du 1er degré à la terminale ainsi qu’en direction des parents. Nous ne réussirons pas à interdire, alors nous nous dotons d’outils pour faciliter la prise de parole et organisons la venue d’associations compétentes en la matière comme de l’équipe mobile de sécurité académique afin de faire face.

Le climat scolaire, ce n’est pas signer chaque 1er septembre un acte du chef d’établissement qui décrèterait que « le climat scolaire sera bon à compter de ce jour », mais inciter chaque membre du personnel, chaque élève à contribuer quotidiennement à l’exigence du travail et des relations dans et hors la classe du lycée polyvalent…connecté… C’est aussi une recherche d’équilibre entre le travail traditionnel en classe et la forme collaborative, les échanges avec les experts que sont les professeurs et le recours au numérique.

Archiclasse est peut être l’occasion de dire aux architectes que je cherche à multiplier les prises électriques dans les salles, les couloirs et qu’il convient dorénavant d’y penser dès la construction…

Archiclasse est peut être l’occasion de dire aux collectivités que des assises à énergies propres pourraient être installées dans les cours de récréation, discuter pendant que les outils personnels se rechargent… que l’on soit adulte ou élève… serait réellement une aide.

Archiclasse est peut être l’occasion de dire aux architectes et aux collectivités que la salle des professeurs a vécu, elle doit devenir une grande surface avec des espaces de travail, de convivialité, de repos, pour tous les personnels … qualité des relations et de l’accueil de tous les adultes pour un climat scolaire apaisé, partagé.

Ma conclusion sera à la manière de qui vous savez, …« à vous de jouer ! »

Lien : le site du lycée Maurice Janetti