Test 3

Retours et amélioration des scénarii d’usage

Protocole de test

Suite à la production d’une série de 13 scénarii de co-enseignement par les enseignants au début de l’année 2018, les parties prenantes du projet ont décidé de consacrer une période de deux mois à l’appropriation des scénarii par les enseignants et à la mise en place de tests variés. Un protocole de travail leur a donc été proposé afin de faciliter la production et le partage des tests effectués :

  1. Les 13 scénarii de co-enseignement produits et formalisés sont disponibles en téléchargement sur l’Espace Numérique de Travail accessible à l’ensemble des parties prenantes du projet.
  2. Ceux-ci ne représentant qu’un nombre très limité d’hypothèses, les enseignants sont libres de s’approprier librement tout ou partie des scénarii, de les modifier et d’en produire de nouveaux.
  3. A chaque fois qu’ils mettent en place un test de co-enseignement en classe, les enseignants sont invités à produire, à l’aide d’une tablette numérique, une très courte vidéo descriptive : Une fois la séance lancée et les élèves en activité, l’enseignant prend une ou deux minutes pour filmer sa classe en expliquant à l’oral les tenants et aboutissants de la séance :
  4.  nature des activités des élèves et rôle des enseignants, organisation spatiale de la classe et choix des mobiliers, timing de la séance, etc.
  5. A la fin de la journée, l’enseignant enregistre les vidéos produites directement l’Espace Numérique de Travail, dans le dossier de sa classe.
  6. L’ensemble des parties prenantes du projet, inspecteurs et conseillers pédagogiques de l’éducation nationale, designers, et surtout collègues enseignants, ont ainsi accès à l’ensemble des tests produits et peuvent très simplement se réapproprier une séance, s’en inspirer, l’adapter selon ses besoins, etc.

Le protocole proposé, utilisant la vidéo comme média de formalisation, présente de nombreux avantages :

  • Rapidité : aucun écrit à produire, aucun temps de travail supplémentaire en dehors des temps de classe :
  • Lisibilité : la vidéo permet de produire un contenu détaillé en très peu de temps : les images et les commentaires oraux de l’enseignant suffisent à comprendre l’ensemble de la séance.
  • Autonomie : aucune formalisation supplémentaire n’est nécessaire en aval de la vidéo : plus besoin de designer : les enseignants échangent leurs données en autonomie.
  • Souplesse : la captation vidéo permet de s’adapter à n’importe quel contexte : intérieur, extérieur, petite ou grande classe, à 12 ou à 24, en binôme ou trinôme de co-enseignement, et permet de rendre compte de la diversité des situations.
  • Cohérence : le format proposé, à savoir une vidéo commentée de 1 à 2 minutes, est suffisamment défini pour assurer une véritable cohérence entre toutes les données produites et permettre un partage de données efficace.

Retour des enseignants sur les tests produits

Trois équipes d’enseignants de trois écoles différentes étaient invitées à produire des tests de co-enseignement au cours du premier trimestre 2018 : deux binômes à l’école du Soleil, un trinôme à l’école Monge un trinôme à l’école Tarentaize. Lors d’un échange informel avec l’ensemble des parties prenantes du projet, ils tirent aujourd’hui un premier bilan de leurs expérimentations :

A l’école du Soleil et à l’école Monge (REP+), les enseignants de CP dédoublés travaillent d’habitude chacun dans leur salle et fonctionnent principalement en classe entière. Pour tester le co-enseignement, ils ont fonctionné en binôme et ont installé leurs quatre classes dans deux salles dont une équipée avec l’ensemble des mobiliers tests mis en place au cours du projet.
A l’école Tarentaize (REP) dans la perspective d’installer les 3 CP dédoublés à la rentrée 2018 dans 2 salles communicantes, les 3 enseignantes concernées ont testé dans leur classe respective (CP, CP-CE1 et CM) le co-enseignement sans dédoublement en s’appuyant sur leur pratiques pédagogiques (fonctionnement en ateliers avec des espaces dédiés et aménagés).

Des choix pédagogiques déterminants

La mise en œuvre des tests de co-enseignement a été contrastée selon les écoles et les classes.

Lorsque le fonctionnement en ateliers est une pratique installée dans la classe, il est facilitateur à la fois pour les élèves et les enseignants :

  • Pour les élèves, les habitudes de travail en petits groupes avec des activités différenciées et outillées ont permis des mises en activité plus rapides. Autonomes dans la gestion de leur matériel, ils ont recours aux outils d’aide mis à leur disposition.
  • Pour les enseignants, les gestes professionnels d’étayage et de tutelle sont plus explicites pour les élèves et des outils d’aide sont disponibles. Les enseignants identifient plus clairement leur rôle et anticipent la variation de leurs postures. Dans cette configuration, les enseignants aménagent les scénarii à leur contexte d’exercice et imaginent de nouveaux fonctionnements et des espaces adaptés.

L’appropriation des scénarii nécessite un temps d’adaptation pour les enseignants habitués à fonctionner en classe entière et frontale.

  • Pour les élèves les premiers tests ont été difficiles : « Les élèves étaient surexcités par tous ces changements : nouvel espace, nouveau mobilier, nouveaux camarades, nouveau maître, des adultes en observation, des tablettes numériques, etc. On a donc choisi de mettre en place des tests sur des activités que nous menions déjà afin de ne pas multiplier les décalages ».
  • Pour les enseignants, cette difficulté d’appropriation se traduit d’une part par une reproduction très « littérale » des scénarii proposés : « on s’est retrouvés à devoir mettre des élèves devant une porte : il a fallu qu’on improvise...  » ; et d’autre part par un nombre limité de scénarii testés : « chaque scénario nous a pris beaucoup de temps de préparation  ».
Une adaptation rapide

Dans les deux écoles, l’adaptation des enseignants et des élèves au co-enseignement est rapide : « En deux semaines, des habitudes commençaient à être prises, il y avait moins de bruit, les élèves étaient plus autonomes, ils se souvenaient des consignes et les enseignants se gênaient moins.  » « Au début, les deux enseignants parlaient fort car nous nous gênions ; puis nous avons naturellement baissé la voix de chaque côté et ça s’est beaucoup mieux passé.  »

Des tests qui invitent à faire évoluer les pratiques

Dans la classe équipée des mobiliers innovants réalisés dans le cadre du projet, passées les premières appréhensions, les enseignants constatent que les nouveaux mobiliers sont rapidement adoptés par les élèves et les invitent à questionner leurs habitudes :

  • « Au départ, on était un peu gênés par l’ambiance maternelle »
  • « J’étais réticente à l’idée de permettre aux élèves de se lever ou de s’allonger : je pensais que ça allait mettre le bazar ; j’ai été très agréablement surprise en constatant qu’ils lisaient tranquillement sur les tapis et écrivaient ou dessinaient sur la piste graphique. Maintenant, ces outils font partie du quotidien : les élèves y vont dès qu’ils ont un moment. »
  • « Les chaises-bureau et les dessertes à matériel nous ont convaincu de la nécessité de faire disparaître les places attitrées pour gagner en modularité et favoriser l’autonomie des élèves. Dès la rentrée prochaine, plus de bureaux, ni de trousses ni de cahiers nominatifs : on passe tout en collectif et les élèves se débrouillent. »

Dans l’école qui ne bénéficie pas de mobilier innovant, des scénarii ont été testés avec des adaptations et les élèves ont été associés à ces expérimentations lors de bilans collectifs. Par ailleurs, les enseignantes ont exploité les temps de co-enseignement pour demander aux élèves d’expliquer de ce qu’ils avaient fait/appris avec d’autres adultes. Ainsi les scénarii de co-enseignement sur deux salles sont un prétexte pour inviter les élèves à être acteurs dans l’évolution des pratiques.

L’attractivité des outils numériques

Les équipements numériques des écoles sont en cours de déploiement dans le cadre du plan numérique de Saint-Etienne Métropole : vidéo-projecteurs, tablettes numériques, appareils photos, dictaphones. Ces nouveaux usages (tablettes numériques) motivent les élèves qui s’approprient les outils rapidement : « ils attendent tous de passer à l’atelier qui utilise les tablettes ».
Les tablettes numériques facilitent également la différenciation : « étant donné que les exercices de réserve sont très nombreux, les bons élèves peuvent avancer et ne s’ennuient pas. »

Des limites à prendre en compte

Selon les choix d’aménagement des salles de classe, le besoin de modularité du mobilier est variable. Lorsque les espaces sont spécifiés, « ce sont les élèves qui circulent, pas le mobilier ». Cependant, la possibilité de déplacer le mobilier d’une classe à l’autre est envisagée :« nous aurons besoin de faire passer du mobilier d’une classe à l’autre pour adapter les espaces au cours de l’année » ; « les bureaux restent trop encombrants et trop difficiles à déplacer et à l’inverse, les tables rondes manquent pour mener des activités collaboratives en petits groupes. »

Si le gain en autonomie pour les élèves est souligné par les enseignants, ils n’observent pas de modification notable dans la qualité du travail : « c’est très irrégulier : en voyant qu’ils sont plus laissés en autonomie, certains élèves font de nouveaux efforts alors que d’autres en profitent pour se relâcher ; la plupart travaillent comme d’habitude.  »

Côté technique, le numérique présente des limites réelles : « sur les 6 tablettes de la classe, deux sont toujours HS pour une raison ou pour une autre : il faut le prévoir. »
Par ailleurs, la gestion du son sur ces supports nécessite des solutions : « impossible de mener des ateliers en parallèle sans avoir de casques audio : le bruit de fond est insupportable »

Modélisation d’une journée-type en co-enseignement

Après ces premiers éléments de bilan échangés par les enseignants suite à leurs tests respectifs, ils ont été invités à pousser la réflexion en vue de la rentrée prochaine.
En effet, les 13 scénarii de base élaborés au début de l’année et testés récemment sont basés sur la sollicitation d’une compétence définie au départ (ex : lecture à haute voix). Ils sont donc doublement limités :

  1. en qualité, lorsque l’on envisage des séances au cours de laquelle plusieurs compétences sont travaillées parallèlement
  2. en quantité, lorsque l’on envisage l’enchaînement de plusieurs séance au cours de la journée.

Aussi, dans l’optique de la rentrée prochaine et de la pérennisation du co-enseignement, les enseignants sont invités dans le deuxième temps de cet atelier à formaliser le déroulement d’une journée type en se posant les questions suivantes :

  • Quelle configuration spatiale de base à partir de laquelle faire évoluer l’espace ?
  • Quelles compétences peuvent être travaillées en parallèle ?
  • Avec quelle configuration spatiale ? Quels mobiliers ?
  • Comment passe-t-on d’une séance à une autre ? Combien de fois par jour ?
  • Etc

Les outils qui leurs sont proposés pour cet exercice sont ceux dont ils ont maintenant pris l’habitude et avec lesquels ils seront amenés à travailler en autonomie lors des prochains mois :

  • 1 grande feuille de papier représentant la salle de classe (paper-board)
  • 1 kit de maquettes de mobiliers au 10e pour représenter facilement des configurations d’aménagement
  • 1 tablette numérique pour photographier et/ou filmer des hypothèses de scénarii

Pour les 3 enseignantes de l’école Tarentaize qui partageront 2 salles :

  • atelier d’accueil dans chaque salle dans les espaces de regroupement
  • espaces dédiés à des compétences : espace de regroupement avec bancs et tapis, plan de travail debout pour sciences et arts visuels, espace de communication avec matériel élèves pour activités libres
  • une desserte à matériel collectif dans chaque salle : fin du matériel individuel
  • casiers fixes de rangement élèves pour ranger le reste du matériel individuel (cahier du jour, plan de travail)
  • espaces de travail modulables équipés de chaises-bureau ou bureaux sans casier

Pour les 2 binômes d’enseignants de l’école du Soleil qui co-enseigneraient dans 2 salles, la configuration de l’espace est thématisée en fonction des deux activités principales menées en début d’année : décodage (lecture) et mathématiques :

Pour la lecture :

  • coin regroupement devant le tableau pour manipulations (étiquettes, etc)
  • groupe de besoin en autobus face au tableau pour 18 élèves et 1 enseignant
  • travail en différenciation avec les 6 élèves sur des tables rondes au fond de la classe avec le second enseignant
  • les deux espaces sont séparés par la cloison mobile qui peut servir de piste graphique

Pour les mathématiques, fonctionnement en ateliers :

  • tables rondes pour petits groupes
  • îlots duos pour les jeux mathématiques (bureaux ou chaises-bureau)

Le projet des trois enseignantes de l’école Monge se rapproche de celui de l’école du Soleil et admet « ne pas arriver à passer le cap  » de l’école Tarentaize : « difficile de se projeter dans la mesure où on ne connaît pas le troisième enseignant ».

Conclusion de l’atelier

Sur le fond, ce dernier atelier fait apparaître clairement qu’à ce stade du projet, les pratiques pédagogiques des enseignants sont assez peu remises en cause par le passage au co-enseignement : les enseignants de l’école Tarentaize, habitués à fonctionner en ateliers, se projettent donc beaucoup plus facilement et sereinement dans la pratique.
Pour les enseignants des écoles du Soleil et Monge, habitués à un fonctionnement en classe entière, la marche est plus haute et remet en cause beaucoup de paramètres à la fois (pratiques pédagogiques, postures d’enseignement, organisation de l’espace).
Si les enseignants de Tarentaize sortent de leur zone de confort et prennent plaisir à se remettre en question et à pousser leur logique d’atelier, les autres semblent en revanche flirter avec les limites de leur zone de sécurité, ce qui les rend plus fébriles et beaucoup moins motivés.

Si les premiers seront rapidement autonomes et avanceront rapidement dans la production de scénarii de co-enseignement aboutis et partageables via les outils proposés, les autres devront être accompagnés beaucoup plus étroitement. Par ailleurs, les enseignants eux-mêmes soulignent à l’issue de l’atelier l’importance du partage d’expérience à venir : « on viendra voir comment vous vous en sortez chez vous et ça nous donnera envie d’en faire autant.  »

Côté Éducation Nationale, il revient donc aux inspecteurs de l’éducation nationale de :

  1. poursuivre l’accompagnement méthodologique et technique initié auprès des enseignants
  2. mettre en place les conditions d’un partage d’expérience plus régulier entre les enseignants

Sur la forme, afin d’assurer la poursuite du projet et la diffusion de scénarii de co-enseignement testés par les enseignants sur le terrain, l’enjeu de la fin du projet est, pour le designer, de livrer aux parties prenantes une boîte à outils très facilement appropriable répondant aux différentes échelles de travail collaboratif :

  1. les maquettes de travail pour permettre aux enseignants de modéliser facilement de nouveaux scénarii et d’inclure les élèves dans la réflexion.
  2. les kits de mobilier pour gagner concrètement en modularité dans l’aménagement de la salle et favoriser l’évolution des pratiques
  3. le protocole de partage de données sur l’ENT pour faciliter la production, le classement et le partage des données entre les enseignants et avec les tuteurs du projet.