le projet

Un projet d’aménagement collaboratif au lycée Aragon - Picasso

Auriane Faure, médiatrice, nous fait le récit du projet d’aménagement collaboratif du lycée Aragon - Picasso à Givors (académie de Lyon) mené par l’atelier Canopé de la Loire.

L’ORIGINE DU PROJET

Lorsqu’un enseignant du lycée Aragon - Picasso est venu trouver l’atelier Canopé 42, qui coordonne le PREAC Design [1] et développe plusieurs projets de design dans le champ de l’éducation, afin de travailler sur l’aménagement de son atrium, l’équipe de l’atelier a vu l’occasion de proposer un projet pédagogique original grâce à une médiation entre plusieurs structures.

Le lieu était intéressant à plus d’un titre : hall d’accueil et lieu de passage au sein d’un lycée ayant fusionné ses parties générale et professionnelle, l’atrium devenait soudain le nouveau cœur de cet établissement situé à Givors (Rhône), avec des enjeux très riches pour le lycée et ses différents acteurs (élèves, enseignants, personnels techniques et encadrants). Et ces derniers ne pouvaient pas être laissés de côté dans l’élaboration d’un tel espace invité à se réinventer pour plusieurs années.

LA DÉMARCHE

Comment recréer des espaces qui répondent aux usages des élèves et des adultes ?

Historiquement, l’atrium était un espace extérieur, une sorte de cour entre le lycée professionnel et le lycée général. Aujourd’hui, le LPO Aragon-Picasso est un seul établissement, et l’atrium a été couvert. Depuis la fin des travaux, l’équipe pédagogique de l’établissement parlait de son aménagement.

Lieu de passage et de rencontre entre les élèves de toutes les filières, lieu parfois bondé et trop bruyant utilisé comme une cour couverte, mobilier qui impacte les conditions de travail des agents techniques… il est apparu essentiel de travailler avec les habitants du lycée pour concevoir un réaménagement qui corresponde aux usages. Et pour cela, d’associer des partenaires habitués à ce travail centré sur les usagers.

Associer différents acteurs dans une démarche collaborative

Après une 1ère rencontre entre la direction du Lycée et l’atelier Canopé, qui a permis de mieux comprendre la demande, deux autres réunions ont été organisées avec le designer Gaétan Mazaloubeaud [2] et les enseignants de la Martinière Diderot [3] . D’une part, ces rencontres ont permis de bâtir le cadre du projet (objectifs partagés, création d’un rapport de confiance entre acteurs, calendrier et modalités d’intervention). D’autre part, c’est à cette occasion que le principe d’un réaménagement participatif a été acté, permettant d’associer les habitants du lycée à chaque étape du projet.

Dans tout projet participatif, il est essentiel d’avoir des ambassadeurs : Marjolaine Fanget (CPE) et Grégory Michel (responsable technique) ont assuré ce rôle de facilitateurs et de communication auprès des élèves et des adultes du lycée, permettant d’associer différents acteurs au projet (CVL, agents techniques, délégués, élèves et enseignants volontaires).

L’intervention des étudiants de la Martinière (DNMADe et DSAA) et de leurs enseignants en lien avec Gaétan Mazaloubeaud a ajouté à l’ambition pédagogique et collaborative de ce projet.

Enfin, Gaétan Mazaloubeaud a joué le rôle d’un « chef d’orchestre », en tant que designer et coordonnateur, garant de la méthode participative et du livrable final, qui a pour but que le Lycée aboutisse à une mise en œuvre concrète du projet conçu.

Construire un regard commun sur notre lycée et nos façons d’y travailler et d’y vivre

Si la commande initiale portait sur un réaménagement de l’atrium, perçu comme un espace central, le travail partenarial a transformé cette commande en un travail à l’échelle du lycée entier. En effet, les discussions avec différents acteurs ont rapidement mis au jour des besoins et des projets convergents, qui sont entrés en résonance. Le projet contient ainsi plusieurs échelles de réflexion :

  • L’atrium à proprement parler : cet aspect a été confié aux étudiants DN MADe [4] de La Martinière, qui ont travaillé sur les contraintes locales et des propositions d’aménagement.
  • Les espaces de vie scolaire de tout l’établissement : ce travail a été confié aux étudiants en DSAA [5] de La Martinière. Il s’agissait d’avoir une vision prospective des espaces de vie commune du lycée pour penser à plus long terme des aménagements qui soient une prolongation de la rénovation de l’Atrium.
  • La création d’un tiers-lieu lycéen, pour lequel Gaétan Mazaloubeaud a coordonné le travail de réflexion et de proposition avec les élèves de STI2D et leur enseignant.

Une série d’ateliers ont été mis en place, qui avaient pour objectif de créer des espaces de parole et de rencontre avec les élèves et les adultes du lycée :

  • Des visites commentées où des groupes d’usagers non mixtes faisaient visiter le lycée aux étudiants de La Martinière en donnant leur propre vision des espaces (avantages, inconvénients, potentiels), et qui ont permis de mettre en avant les convergences / divergences dans les usages des lieux en fonction des catégories d’usagers.
  • Une cartographie d’usage : les étudiants de la Martinière ont réalisé une analyse des façons dont sont utilisés les espaces aujourd’hui (qui les utilise et comment ?) et ont fait un travail d’idéation pour imaginer ce que ça pourrait être demain. Le plan ainsi produit a fait l’objet d’échanges avec les élèves et adultes, qui a permis de bâtir un cahier des charges.
  • Les ateliers chamboule-tout ont été l’étape la plus créative dans la démarche, pour les étudiants comme pour les participants. En partant du cahier des charges réalisé, les étudiants ont généré une série d’idées (croquis, plans, maquettes, images inspirantes) qu’ils ont présentée aux participants. Ceux-ci ont été invités à s’approprier les propositions et à les commenter.
  • Les étudiants ont retravaillé leurs propositions dans ce sens, puis sont revenus en janvier avec un avant-projet cohérent, une série de propositions illustrées par des maquettes, images 3D et photomontages. Lors de cet évènement, une centaine de personnes étaient présentes (délégués de toutes les classes, enseignants et personnels) : l’enjeu était de donner des pistes d’évolution du lycée qui soient cohérentes et sui répondent aux demandes et suggestions des habitants du lycée, et qu’un maximum de gens soient informés pour disposer de nombreux retours. C’est là que le designer reprend la main, en recoupant toutes les propositions issues de la phase de concertation avec sa propre lecture.
  • Le chantier de prototypage pour l’Atrium, prévu le 20 mars avec les étudiants et les élèves (empêché par la COVID 19), s’est finalement déroulé le 7 mai, mené par Gaétan Mazaloubeaud et Grégory Michel. Il s’agissait d’anticiper une éventuelle rentrée des lycéens, pour permettre aux élèves et aux équipes de tester ce mobilier de convivialité avant les vacances d’été. Cette phase de test est essentielle pour ouvrir les perspectives d’un aménagement plus pérenne.

Enfin, un plan-guide a été remis à l’établissement. Ce document, réalisé par Gaétan Mazaloubeaud, reprend la genèse du projet et présente une synthèse de la démarche participative et des travaux des étudiants.

L’aménagement participatif, des enjeux éducatifs et un ADN commun

Une démarche participative repose, entre autres, sur l’effet de « mise en lien » : ces projets ont une vocation de transversalité très forte, ils mobilisent de nombreuses personnes qui se parlent peu initialement, et qui auront moins de peur de se parler après le projet (discussions entre élèves, entre personnels).

Ce projet revêtait un enjeu pédagogique pour les élèves et les adultes (leur donner envie de faire des projets autrement), et pour sensibiliser des étudiants en design au fait qu’un projet participatif amène des idées et solutions bien plus riches que si on avait réfléchi tout seul.

Au-delà, voir que les aménagements proposés ont intégré leurs remarques était très important pour les différents usagers : voir que leur avis et leur réalité ont été prises en compte est vraiment motivant pour les gens (élèves, adultes) qui ont donné du temps.

Enfin, le travail partenarial et la participation large des habitants du lycée ont permis d’opérer une transformation de la commande initiale. L’aménagement d’un espace central (l’atrium), passé au crible des usages, s’est finalement transformé en une proposition de décentralisation des espaces de vie scolaire, avec un travail à plusieurs niveaux (l’atrium, le foyer, le fablab, les extérieurs).

« Au début du projet, on s’interrogeait sur le réaménagement d’un atrium et maintenant on parle de faire du lycée un lieu où on a envie de venir ! On ne perd pas de vue qu’on est un lycée, pour apprendre et travailler, mais qu’on peut avoir différents espaces pour cohabiter sans se gêner les uns les autres. Finalement ce projet nous oblige à repenser globalement notre lycée et la façon d’y vivre. » (Marjolaine Fanget)

Les traces de ce projet

Outre le mobilier conçu et fabriqué, et les supports de communication réalisés (panneau d’affichage dans l’atrium, cartographies et maquettes, dossier de maitrise d’usage rendu par le designer), un document « trace » de cette démarche collaborative et du projet a été réalisé. Il donne à lire des paroles d’acteurs, qui témoignent de la façon dont chaque partenaire a fait évoluer ses pratiques pour bâtir ensemble ce projet. Les textes de cet article sont issus de ce document, qui vise aussi à partager l’expérience d’une coopération complexe et passionnante. Ce document a été réalisé par le Collectif Cocktail avec le soutien de la DRAC Auvergne-Rhône-Alpes. Il existe également un podcast au sujet du projet.

LE BUDGET

Le projet a été financé par le Lycée Aragon Picasso, à hauteur de 15 000 euros, répartis principalement entre la prestation du designer, les rendus et les déplacements des élèves designers du Lycée Lamartinière-Diderot.
L’engagement humain indispensable à la réalisation de ce type de projet participatif a été important de la part des habitants du Lycée Aragon-Picasso, des enseignants de La Martinière-Diderot, ainsi que de l’équipe de l’atelier Canopé 42.

POUR ALLER PLUS LOIN DANS LE PROJET

Notes

[1PREAC Design : Pôle de Ressources en Éducation Artistique et Culturelle http://preac.crdp-lyon.fr/design

[2Gaétan Mazaloubeaud est designer d’espace spécialisé dans les démarches participatives qui visent à impliquer les différentes parties prenantes dans la conception d’un projet (https://www.designtoutterrain.fr/)

[3L’ESAA (École Supérieure d’Arts Appliqués) La Martinière-Diderot est implantée à Lyon (http://www.lamartinierediderot.fr/ )

[4DN MADe : Diplôme national des métiers d’arts et du design

[5DSAA : Diplôme Supérieur d’Arts Appliqués