un mur d’écriture au collège

Une nouvelle organisation de l’espace classe

L’auteure de cette expérimentation est Sandra Cagliesi, professeure d’Histoire-Géographie au collège Clotaire Baujoin de Thourotte (académie d’Amiens).

Genèse du projet

Répondre aux exigences des nouveaux programmes

La mise en place des nouveaux programmes, notamment des EPI et de l’accompagnement personnalisé, ont conduit notre établissement à constituer un groupe de réflexion composé d’enseignants volontaires pour essayer d’anticiper les besoins. En effet, au cours des différentes réunions de préparation de la rentrée 2017, des équipes ont proposé de fonctionner en co-enseignement et en groupes avec la volonté de développer une pédagogie de projet privilégiant le travail coopératif pour des élèves actifs et acteurs.

Mais comment travailler en groupe dans une salle de sciences dotée de paillasses inamovibles ? Comment éviter de limiter la mise en place de tel ou tel projet pour un accès difficile aux outils numériques ou encore aux ressources qu’offre le CDI ? Comment travailler efficacement en co-intervention avec 30 élèves dans une salle de 40 m2 ?

Un réaménagement des espaces du collège

Autant de questions qui ont peu à peu conduit à repenser les espaces afin d’en optimiser les potentiels et d’éviter les phénomènes de saturation. C’est ainsi qu’un des laboratoires de sciences est devenu une salle « numérisciences » organisée en ilots et dotée d’ordinateurs fixes. C’est aussi pour répondre à cette problématique que la grande salle audiovisuelle du collège, située juste à côté du CDI, a fait peau neuve en adoptant un agencement des tables en ilot.

Ce premier pas s’est nourri des expériences des uns et des autres, notamment des pratiques de classe développées dans le cadre de l’ex-option DP( découverte professionnelle) 3 du collège. L’option amenait les élèves à prendre en main l’organisation d’un forum des formations : ils travaillaient en équipe dans une organisation proche d’une entreprise de services et investissaient régulièrement les tableaux du pôle technologie pour afficher des documents de travail, inscrire les éléments communs à l’ensemble des équipes ou « cocher » ce qui avait été réalisé.

La mise en place d’un mur d’écriture

Restait à définir le type de tableau. Mettre bout à bout des tableaux blancs « classiques » a été la première réaction mais cela limitait à la fois la surface d’écriture dans sa longueur, la jonction de deux tableaux interrompant la continuité de l’écriture et dans sa largeur compte tenu des dimensions standardisées.

C’est donc vers la peinture pour tableau que la réflexion s’est portée. Mais là encore, les questions étaient nombreuses : était-ce possible aux vues des normes de sécurité des matériaux (incendie, éventuelle nocivité…), en termes de coûts ? Les murs étaient-ils assez lisses pour permettre une application de ce type de peinture ? Le groupe de réflexion a donc présenté le projet à la collectivité en juillet 2016. Le CD60 a non seulement répondu à toutes les questions techniques et pratiques mais a aussi entrepris les travaux nécessaires rapidement.

Début décembre 2016, la salle audiovisuelle devenait la nouvelle « Halle aux projets » dotée d’un mur d’écriture : il s’agit de deux pans de murs recouverts d’une peinture magnétique pour tableau. Cette immense surface ainsi apprêtée permet à 4 ilots de 6 élèves de disposer d’une surface d’écriture verticale très confortable. Un 5e ilot est installé devant le tableau jusque là destiné à l’enseignant. Un dernier tableau blanc biface mobile permet, si besoin, d’installer un autre groupe ou à l’enseignant d’en disposer.

Premier test : un travail en groupe débouchant sur la production d’un diaporama sonorisé

Discipline : EMC

Thème : la Laïcité garante des valeurs exprimées dans la devise de notre République

Niveau : 3e

Durée : 2 séances de 55 minutes séparées par une récréation de 15 minutes

Descriptif de la séquence

Les 26 élèves se sont répartis par affinités sur 5 ilots. Ils disposaient de plusieurs supports au format papier :

  • une série de documents sur le thème de la laïcité
  • un exemplaire du « petit quotidien », n°5480 du 15 janvier 2015
  • et une fiche de groupe indiquant le sujet, les attentes, quelques conseils et un tableau guide permettant aux élèves de décortiquer le sujet et d’extraire les questions auxquelles le diaporama sonorisé devrait répondre (travail du brouillon).
  • Chaque table disposait d’une craie blanche et d’un tampon effaceur pour tableau noir (idem pour l’ilot installé devant le tableau blanc avec 4 feutres pour tableau blanc : bleu, rouge, vert et noir) et de 2 aimants.
  • Enfin, les élèves pouvaient à tout moment utiliser une tablette numérique connectée à internet et disposant de l’application « Spark Video » pour la réalisation finale du diaporama sonorisé.

A aucun moment il n’a été demandé aux élèves d’utiliser la surface d’écriture verticale, mais au bout de 10 à 15 minutes, soit une fois le sujet et les consignes lus, chaque groupe s’est naturellement emparé de l’outil « tableau ». Dans un premier temps, la surface verticale a servi à planifier le travail à réaliser en répartissant les tâches entre les membres du groupe. Dans un second temps, ce fut pour le partage des éléments de réponses trouvés à la lecture des documents avec le reste du groupe.

Deux types de documents ont été construits selon les groupes : deux groupes ont choisi de travailler à l’aide d’un tableau tandis que les trois autres groupes ont choisi la forme d’une carte mentale. Chaque membre venait inscrire le résultat de son travail. Une fois l’opération finie, le groupe se levait, prenait du recul en s’écartant de la table tandis qu’un élève demeurait à proximité du tableau, une craie et le tampon en main. Chacun y allait de ses idées, l’élève à proximité du mur effaçant, ajoutant, modifiant les éléments de manière à obtenir un ensemble cohérent devant servir pour le commentaire audio de chacune des diapositives/slides du diaporama sonorisé à produire.

Pour la réalisation finale du diaporama, certains groupes ont fait le choix de recopier sur feuille leur commentaire, d’autres groupes ont simplement pris une deuxième tablette pour photographier leur partie du tableau. L’enregistrement audio final s’est fait dans le couloir afin d’éviter les bruits de fonds.

Que peut-on retenir de cette première expérimentation ?

 Peut-être est-ce l’effet de la nouveauté, mais ce qui est certain c’est le plaisir que les élèves ont pris à faire l’activité proposée. La preuve : ils ont refusé de sortir en récréation préférant poursuivre leur réflexion !

L’appropriation du mur s’est faite de manière très naturelle, chaque élève voulant s’emparer d’un bout de craie. Les cinq craies prévues ont vite été coupées en deux ou en trois et les élèves sont venus en chercher de nouvelles. Ils ont aussi demandé des craies de couleur, ce que je n’avais pas prévu. Les élèves qui avaient le tableau blanc et les feutres de couleur ont utilisé trois couleurs pour écrire, souligner et relier. La couleur est donc à prendre en compte.

  • Disposer d’une surface d’écriture verticale est un avantage indéniable dès lors qu’il s’agit de collaborer, c’est à dire de répondre ensemble à un sujet commun.

Que l’on veuille planifier le rôle de chacun, conserver la trace de ce qui a été fait ou apporter les idées alimentant la réflexion et permettant la réalisation du projet mené, la plus value consiste en la visualisation très aisée de l’avancée du travail par l’ensemble des membres du groupe…mais aussi par l’enseignant qui peut, d’un regard, prendre connaissance du travail fourni par les élèves, repérer des erreurs éventuelles ou des oublis et intervenir pour guider le groupe ou apporter un petit coup de pouce. Ces aspects sont primordiaux dans un mode de fonctionnement basé sur les échanges entre pairs et soumis à des évolutions permanentes issues des contributions individuelles et/ou collectives.

Ces deux heures ont été très dynamiques. Généralement, le travail de groupe implique de la communication entre les élèves et donc génère de la vie. Ici s’ajoutent des déplacements, c’est pourquoi la salle doit être organisée de manière à les faciliter. Les tables ne doivent pas être trop éloignées de la surface d’écriture verticale mais il faut aussi prévoir suffisamment de place pour que le groupe ait le recul nécessaire pour avoir une vue d’ensemble. Pour cette première expérimentation, j’ai laissé les groupes se constituer et s’installer librement. Une fois la séance lancée, je me suis aperçue que les deux groupes les plus nombreux étaient côte à côte, ce qui n’était pas la stratégie la plus judicieuse pour faciliter les déplacements et la gestion du niveau sonore. Pendant la séance, j’ai aussi installé une petite table au centre de la salle pour y déposer des craies, des feuilles, des aimants. Cela s’est avéré utile et pratique sauf pour les aimants : les élèves n’ont pas eu besoin d’afficher de document.

Il faut aussi penser à conserver au moins cinq minutes pour ranger la salle en fin de séance. La craie s’efface moins rapidement que le feutre sur tableau blanc, il faut donc anticiper. La petite table centrale a aussi joué un rôle intéressant en fin de séance : chacun y a déposé les fiches de groupe, les documents et les craies restantes. Les tampons ont été secoués à l’extérieur et redéposés sur les tables. Les tablettes numériques ont été rangées dans leur valise.

J’ai lancé la même séance dans les mêmes conditions avec une autre classe de 27 élève de 3e. Les conclusions sont identiques à une exception : un des groupes a fait le choix de ne pas utiliser la surface verticale pour mutualiser leurs idées de peur que les autres groupes ne « copient » sur eux. Finalement, c’est le groupe qui a mis le plus de temps à passer à la phase finale de l’enregistrement du diaporama sonorisé et c’est aussi celui qui a fourni le travail le moins convaincant car moins cohérent, moins fluide et souffrant de quelques redites. Cette observation confirme les plus-values apportées par la surface de travail verticale : visualiser l’ensemble du travail du groupe par chacun des membres, faciliter la mutualisation et pousser la réflexion par simple effet de rebond (l’idée de mon camarade éclaire ma propre réflexion, la nourrit…).

Pour cette première séance, les élèves ont bénéficié d’une grande liberté d’organisation, ce qui importait étant que chacun s’implique dans la réalisation du diaporama sonorisé dans le respect du sujet imposé. Les élèves ont listé les tâches à accomplir et se les ont réparties selon les compétences/appétences de chacun : qui travaillant à décortiquer les documents iconographiques, qui s’occupant des textes, qui choisissant le rapport laïcité/égalité ou liberté ou encore fraternité. Un responsable de groupe était nommé mais finalement chacun s’est « naturellement » responsabilisé vis à vis du travail pour lequel il s’était engagé et la désignation d’un responsable de groupe n’a été utile que pour nommer le fichier média rendu.

Deuxième test : un travail individuel débouchant sur une mise en commun afin de préparer un jeu de rôle

Discipline : EMC

Thème : L’égalité homme/femme : comprendre ce qu’est un stéréotype de genre

Niveau : 3e

Durée : 2 séances de 55 minutes séparées par une récréation de 15 minutes

Descriptif de la séquence

Les 27 élèves ont dans un premier temps réalisé un questionnaire reposant sur une série de documents abordant le thème des inégalités homme/femme à l’échelle mondiale puis à l’échelle nationale, notamment dans le domaine professionnel et dans les choix d’orientation des filles et des garçons en fin de 3e. Travaillant individuellement, aucun élève n’a demandé à utiliser le mur d’écriture.

Une fois les documents travaillés (30 minutes), les élèves ont été placés par groupe de 3 ou de 4 par l’enseignant. Il s’agissait de créer des groupes mixtes et d’associer des élèves aux compétences complémentaires. L’objectif de cette deuxième partie de l’activité était de préparer un jeu de rôle dans lequel :

  • une femme postulerait pour un emploi traditionnellement considéré comme masculin.
  • un homme postulerait pour un emploi traditionnellement considéré comme féminin le reste du groupe jouerait le rôle des recruteurs.
  • A peine le sujet était-il lancé que les élèves se sont emparés du mur d’écriture.

Après quelques minutes, deux élèves de groupes différents ont demandé s’il était possible qu’ils restent sur leur ilot pour jouer le jeu de rôle afin d’avoir l’ensemble de leurs notes sous les yeux. Il a donc été convenu que chaque groupe pourrait rester en place afin de pouvoir bénéficier d’un coup d’œil sur le mur pendant la prestation orale.

Les 40 dernières minutes de la séance ont été utilisées pour jouer les saynètes imaginées par les élèves. Chaque groupe s’est installé de manière à pouvoir garder un œil sur sa partie de tableau qui a donc servi de « pense-bête ». Un mini débriefing clôturait chaque intervention en relevant tous les stéréotypes de genre utilisés pendant le faux entretien d’embauche et les arguments utilisés pour les contredire.

Que peut-on retenir de cet autre test ?

 Les observations sont identiques : les élèves ont investi le mur d’écriture à partir du moment où les groupes se sont constitués et qu’il s’agissait de répartir les tâches et d’organiser les idées alimentant le jeu de rôle. Cela semble confirmer que le mur d’écriture répond à un besoin et facilite le travail collaboratif/collectif. La fonction de « pense-bête » permettant à chacun de visualiser l’ensemble des écrits pendant la prestation du groupe a été considérée par les élèves comme une plus-value indéniable. Un des élèves en situation de handicap a dit avoir apprécié la séance car « pour une fois », il avait pu réaliser les mêmes tâches que les autres. En effet, le mur descendant jusqu’au sol, l’élève a approché son fauteuil roulant et a participé à la rédaction des idées avec la même aisance que ses camarades.

Conclusion

Bien que l’expérimentation ne se soit déroulée que sur quelques séances, le mur d’écriture se révèle clairement être un atout pour le travail collaboratif.

Pour compléter votre lecture sur cette expérimentation, un article de l’ENT des collèges de l’Oise est à votre disposition.

Lien : Retrouvez cet article sur le site de l’académie d’Amiens