inclusion et espace à l’école

« L’espace réfléchi » au service de l’inclusion pour un élève avec autisme

Un témoignage de Béatrice Champroux, conseillère Pédagogique Éducation Inclusive, ASH Sud (92)

J’ai accompagné en début d’année une école qui accueille en CP un élève avec autisme.
Toute l’équipe enseignante et le périscolaire se sont investis pour une inclusion réussie cet élève.
Plusieurs adaptations, gestes et postures professionnels ont été travaillés avec l’équipe très tôt dans l’année.
Au niveau spatial, une tente d’apaisement a été judicieusement installée dans la classe afin de répondre aux besoins d’isolement sensoriel et de récupération de l’élève avec autisme. Mais ce qui est vraiment innovant, dans le cadre d’une école, c’est la mise en place par l’équipe d’une réplique (même tente, mêmes coussins intérieurs...) dans le hall de l’école pour que l’élève puisse utiliser également ce coin apaisement sur les temps de récréation et de périscolaire (cantine et étude-garderie)... Cette structuration spatiale est d’autant plus porteuse qu’elle est codifiée et n’a pas eu besoin d’être verbalisée, explicitée oralement ce qui aide l’élève avec autisme dans la compréhension de son environnement.

Le contexte

L’école de la Faïencerie à Bourg-la-Reine dans les Hauts de Seine accueille depuis la rentrée 2017 un élève avec autisme. L’équipe enseignante est très bienveillante et la notion d’inclusion est intrinsèquement ancrée dans cette école qui accueille également des élèves avec déficience auditive.

Le Trouble du Spectre Autistique (TSA) se caractérise par des altérations de la communication et des interactions sociales, associées à des comportements stéréotypés et des intérêts restreints.

Plusieurs rencontres avec la famille ont été organisées afin de préparer au mieux la rentrée pour l’élève. Il est scolarisé en CP dans la classe d’une enseignante qui a été spontanément volontaire. Quelques semaines d’observation, car cet élève n’était pas scolarisé en maternelle dans la commune, ont permis à toute l’équipe d’avoir une première vision de l’élève : Le lien s’est bien établi entre l’enseignante et lui. Son temps d’attention assez limité et ses difficultés liées à l’autisme ne lui permettent pas d’avoir un parcours des apprentissages identique au niveau temporel à celui de ses camarades de CP. La récréation est un temps compliqué pour lui.

Plusieurs adaptations ont été mises en place par l’équipe rapidement :

 Il peut être très agité dans la classe à certains moments et l’enseignante a donc aménagé un coin calme en fond de classe où il peut avoir accès avec des petits jeux, des livres. L’arrière de la classe a été choisi par l’enseignante car c’est le lieu de la bibliothèque de classe et cet endroit permet un écart phonique pour l’élève et le groupe ainsi qu’un écart visuel ce qui permet au groupe la poursuite de son activité tandis que l’élève peut s’adonner à une activité moins coûteuse cognitivement.

Les difficultés de communication ainsi que les difficultés de compréhension de son environnement le rendent parfois gênant pour les autres car il dit des mots déplacés tout fort ou bien il peut crier. En effet, les personnes avec autisme gèrent leur environnement de manière particulière. Appréhender un lieu non connu ou qui évolue sans cesse est souvent difficile, pour eux. Cela engendre des incompréhensions, des frustrations, des troubles du comportement. Mais il restitue aussi parfois spontanément des notions entendues en classe alors qu’il semblait inattentif ce qui est une particularité des élèves avec autisme. Ils ont parfois un regard périphérique et une position en retrait afin de limiter les stimulations visuelles et physiques ce qui ne les empêche néanmoins pas de suivre le cours. Ce n’est pas une attitude passive et il est important en tant qu’enseignant de connaitre cette particularité afin d’avoir une connaissance fine de son élève et de lui proposer la structuration du temps et de l’espace optimale pour les apprentissages.

Sur les temps de récréation, il a été plus difficile à appréhender car les relations sociales sont vraiment compliquées pour les élèves avec autisme. Ils doivent souvent tout apprendre avec l’aide de rééducateur en utilisant des scénarii sociaux. Il s’agit d’un travail d’explicitation, de théâtralisation, de répétition d’une situation sociale pour comprendre et automatiser comment réagir dans une situation donnée. Concrètement, il peut agacer les autres et avoir parfois des conduites qui pourraient être dangereuses. Le temps périscolaire (cantine et garderie) est parfois difficile pour lui également en raison de ses réactions disproportionnées.
 L’équipe a donc mis en place une organisation se service avec un enseignant supplémentaire dans la cour, une proposition à l’élève de bénéficier d’un temps dans une classe pour avoir des activités calmes mais qui a été abandonné car l’élève cherchait à retrouver la ritualité rassurante d’une récréation avec ses camarades et dans un lieu connu. L’équipe périscolaire a également pu bénéficier d’un animateur supplémentaire pour les temps de cantine et d’activités périscolaires.

 L’équipe a été en demande d’accompagnement pour l’accueil de cet élève. L’Inspectrice de l’Education Nationale a alors proposé à l’école l’appui d’une Conseillère Pédagogique pour l’Education Inclusive . Après un temps d’observation en classe, un temps d’échange avec l’enseignante a permis de dégager plusieurs axes de travail ensemble. Une réunion avec plusieurs enseignants ainsi qu’un représentant du périscolaire, dans le souci mutuel d’harmoniser les actions éducatives autour de l’élève, a permis de bâtir un premier accompagnement. Deux axes ont été choisis par cette équipe élargie pour un travail en cohésion : la structuration ( temps et espace) et le travail du comportement à l’aide d’un pictogramme visuel pour un comportement compliqué dans la cour.

Structuration de l’espace

Pour la structuration de l’espace, le besoin d’un espace de retrait est souvent une nécessité dans les classes pour les élèves avec autisme. Lors de l’échange avec l’enseignante, une réflexion à partir de quelques exemples d’espaces possibles (banque d’adaptations envisageables pour les besoins éducatifs particuliers) par rapport à l’organisation spatiale existante de la classe et aux besoins spécifiques de l’élève. C’est l’enseignante qui a choisi ce coin « apaisement » grâce à sa connaissance de l’élève. Ce coin offre à l’élève avec autisme un espace de repli, de récupération sans sollicitation sensorielle qui lui permet de faire des pauses régulières dans sa journée de classe où les multiples stimulations visuelles, auditives et autres sont parfois de réelles agressions pour l’élève avec TSA.

Dans la classe, c’est une petite tente rouge et blanche installée à l’arrière de la classe qui se ferme et où se trouvent de petits coussins. L’élève l’utilise cette année selon ses besoins mais on peut imaginer pour les années prochaines un temps de récupération cognitive dans cet espace qui sera prévu dans son emploi du temps puisque cette petite tente mobile pourra suivre l’élève. De plus, grâce à l’investissement de l’équipe dans des pratiques innovantes, cet espace a été répliqué exactement dans le hall de l’école avec la même tente, les mêmes coussins afin qu’il puisse s’y ressourcer pendant les temps de récréation et de temps périscolaire.

Ce matériel très simple et efficace, en double donc, d’un coût très modeste a été acquis grâce à la coopérative de l’école. Il se déplace et se démonte facilement et a été installé par l’enseignante et l’équipe de l’école. Durant les temps de récréation, l’enseignant supplémentaire, mis en place dans l’organisation de service, lui propose un temps collectif en récréation et un temps dans ce lieu où il le laisse se ressourcer. Cette structuration spatiale est d’autant plus porteuse qu’elle est codifiée et n’a pas eu besoin d’être verbalisée, explicitée oralement ce qui aide l’élève avec autisme dans la compréhension de son environnement.

Lors d’échanges ultérieurs avec l’équipe, il est apparu que l’équipe du périscolaire sollicitait l’élève pour jouer dans ce lieu ce qui lui en faisait perdre son efficience. Une nouvelle réunion avec le périscolaire afin de retravailler les particularités de l’autisme a permis de repréciser la fonction de ce lieu et son utilité pour une personne avec autisme.

L’équipe est soucieuse de prolonger le travail et se projette déjà pour l’année du CE1 de l’élève. La réflexion se porte sur l’accompagnement de l’enseignant qui va l’accueillir afin de réaliser une passerelle professionnelle efficace, mais aussi sur la constitution des classes afin d’inclure au mieux l’élève. Elle procède aussi régulièrement à des ajustements des aménagements et des adaptations afin de répondre au mieux aux besoins éducatifs particuliers de l’élève. Par exemple, ces dernières semaines, l’élève ne souhaitait plus aller en récréation où le bruit et l’agitation sont source de désagrément très certainement. Cela démontre l’apaisement de l’élève dans son cadre scolaire qu’il peut désormais investir au mieux en fonction de ses besoins. Au niveau pédagogique, l’accompagnement avec la CPEI se poursuit régulièrement. L’enseignante procède par cycles de réitération avec des objectifs précis et une analyse fine pour faire avancer son travail. Grâce à cela, l’élève est dans une bonne spirale d’apprentissage.

Ce travail de réflexion autour de l’accueil d’un élève avec autisme dans une école ordinaire dans une démarche constructive et systémique au niveau de l’environnement spatial, temporel, des apprentissages et de la sphère personnelle de l’élève avec tous les partenaires de l’école permet de réels parcours différenciés et est un élément majeur au service de l’école inclusive.